Alors que les clients d’expéditions rejoignent les camps de base de l’Everest, il est temps de répondre à une question que l’on nous pose fréquemment… Est-ce vraiment dangereux de gravir l’Everest ?
A l’évocation du toit du monde, le grand public a en tête la montagne mythique. Celle des pionniers, des explorateurs, des aventuriers qui partirent en quête de sommets il y a près d’un siècle. Si le mythe subsiste aujourd’hui, la montagne et son exploitation n’ont plus rien à voir. Et si nombre de dangers sont toujours bien au rendez-vous, les risques sont de plus en plus maitrisés.
Gravir l’Everest : c’est dangereux mais…
Une semaine de vacances en bord de mer n’est pas exempte de danger. Sur le seul été 2023, Santé Publique France a comptabilisé 253 noyades. C’est beaucoup et finalement très peu. A rapporter aux millions de touristes présents sur les plages. Le risque est faible mais pas absent. Par comparaison, une expédition à l’Everest comporte évidemment davantage de risques. La saison dernière, on a ainsi dénombré 18 morts sur le toit du monde. Jamais une saison n’avait connu pareille hécatombe. Pourtant, rapporté aux centaines de grimpeurs présents sur la montagne, le taux de mortalité est à relativiser. Dans l’histoire de l’Everest, 327 morts pour 11.996 summiters. Soit un taux de mortalité de 2,7%. En 2023, le taux était en ligne avec la statistique historique.
De nombreuses montagnes ont un taux de mortalité bien plus impressionnant. Parmi les 8.000 d’abord où l’Annapurna, le K2 ou le Nanga Parbat ont des taux 6 à 9 fois plus élevés que l’Everest. Mais les autres montagnes ne sont pas en reste comme le Peak 29 au Népal.
Une ascension moins risquée qu’en 1953
Avec le développement de l’industrie des expéditions, le nombre de prétendants au sommet a augmenté mais de nombreux dangers ont été écartés. Le matériel est bien plus performant et plus fiable qu’avant. On sait mieux se protéger du froid, on sait respirer de l’oxygène en bouteille avec des masques et des détendeurs qui ne dysfonctionnent pas. On communique mieux et plus facilement. Autant d’évolutions qui rendent les ascensions plus sûres.
On a aussi une bien meilleure maitrise de la météo, facteur déterminant. Les prévisions sont plus fiables et les routeurs météo les plus expérimentés savent prédire les changements à l’heure près. Le risque d’avalanche est aussi mieux connu et pris en compte.
Quasi-impossible de se perdre sur l’Everest. Les clients n’ont pas à trouver leur chemin vers le sommet. Il est déjà tracé et « sécurisé » par des cordes fixes sur lesquelles les « grimpeurs » progressent. Comme sur une via-ferrata, ils se clippent à cette ligne de vie qui va jusqu’au sommet.
Objectif n°1 : Réduire les risques
Si on décortique les causes de ces morts, on peut tenter de réduire considérablement les risques. Car chaque thématique peut s’accompagner d’actions et de choix visant à diminuer les risques associés.
- Le manque d’expérience. Une bonne partie des décès viennent du manque d’expérience et de l’incapacité de certains clients à être un minimum autonome sur la montagne. La moindre difficulté peut ainsi se transformer en drame. Le client mesurera également moins son effort et, se connaissant moins bien à une telle altitude, il pourra faire des mauvais choix. De nombreuses morts ont lieu à la descente, quand les clients ont brûlé toute leur énergie pour atteindre à tout prix le sommet. Sans se souvenir que ce dernier n’était que la moitié du parcours. Les grimpeurs plus expérimentés et plus autonomes ont statistiquement un taux de mortalité plus bas.
- Le taux d’encadrement et le sérieux de l’opérateur. Ceux qui sont davantage accompagnés ont moins de chance d’y rester. Certaines agences low-cost ne fournissent que la logistique minimale. Elles ne proposent pas de sherpas pour accompagner leurs clients, ces derniers se retrouvent seuls. A la moindre difficulté avec leur débit d’oxygène ou leurs crampons mal fixés, ils sont en grave danger. Un sherpa par client, voire un guide certifié en complément, réduit considérablement le risque en question. Le sérieux de l’opérateur d’expédition est central, les problèmes de logistiques pouvant avoir un impact sur cette maitrise des risques. Si vous ne trouvez pas votre bouteille d’oxygène au camp où elle est censée vous attendre, vous êtes en danger. Plus l’opérateur est sérieux, reconnu (et bien souvent coûteux), plus ce risque va se réduire.
- La connaissance de la montagne. Les guides seront aussi plus à même de lire le terrain et ses dangers. Un guide de haute montagne, même sans grande expérience himalayenne, saura repérer les zones les plus risquées. Les passages où il ne faut pas trainer, par exemple sous un imposant sérac. Un client sans expérience ou un jeune sherpa n’auront pas ces mêmes réflexes et stationneront pour pique-niquer sous un dangereux bloc de glace. Même logique dans le rapport aux conditions météo. Un guide expérimenté aura de meilleurs réflexes pour protéger son client du froid par exemple, ou détecter certains symptômes alarmants.
- L’état de santé. Les incidents mortels impliquant des raisons médicales préalables sont également nombreux. Certains clients n’ayant peu ou pas d’expérience en haute altitude vont pour la première fois mettre leur corps à rude épreuve. A 8.000m, même avec des bouteilles d’oxygène, l’organisme est en surrégime permanent pour arriver à maintenir son effort physique avec le manque d’oxygène. Le cœur est notamment plus sollicité qu’à l’accoutumée et les accidents cardiaques sont fréquents. Souvent liés à des problèmes même pas constatés en plaine mais préexistants. La difficulté, liée au manque d’expérience, à s’auto-diagnostiquer les symptômes du Mal Aigu des Montagnes est aussi de nature à aggraver le risque.
Alors, dangereux l’Everest ?
En résumé… Si vous prenez le temps de gagner en expérience et en autonomie en montagne, notamment en découvrant la très haute altitude progressivement (pas directement sur la plus haute montagne de toutes). Que vous faites appel à une agence d’expéditions reconnue qui vous fournira des guides sérieux et expérimentés. Que vous vous êtes préparés physiquement, y compris en consultant les médecins spécialisés à même de déceler certaines fragilités. Et que vous êtes bien équipés. Alors votre exposition aux risques sera considérablement réduite, par rapport à la moyenne des clients d’expéditions. Tous les accidents ne peuvent être évités mais leur occurrence est moins probable. En réponse à la question initiale. L’Everest est-il dangereux ? Oui, comme bien des montagnes, mais ces dangers peuvent être considérablement réduits.
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