Guardian Everest

Quand le Guardian parle de l’Everest : désinformation et propagande ?

Un article du très sérieux Guardian relate la saison à l’Everest, et nous entraine au pays de la désinformation et de la propagande…

La lecture du Guardian, éminent journal britannique, a de quoi surprendre cette semaine. Un article consacré aux victimes de l’Everest attirera votre attention. Il attribue au changement climatique la responsabilité des morts de cette saison. Une analyse erronée pour ne pas dire trompeuse. A la lecture de l’article on comprend mieux l’angle mis en évidence. Celui des autorités népalaises, jamais promptes à accepter leur propre responsabilité s’agissant de son industrie touristique et de montagne. Décryptage.

Le changement climatique à l’Everest

Cette saison à l’Everest a été la plus meurtrière de l’histoire. C’est indéniable, les faits sont là. Tout au long de la saison, nous avons suivi l’évolution de la situation et les victimes se sont accumulées jusqu’au chiffre faramineux de 17 morts et/ou disparus .  La « cause principale est le changement de temps. Cette saison les conditions météo n’étaient pas favorables, c’était très variable. Le changement climatique a un impact important sur les montagnes. » expliquent ceux que le Guardian présente comme « des experts ».

Cet expert n’est autre que Yuba Raj Khatiwada, directeur du Département du Tourisme du Népal. Si les impacts du changement climatique sont effectivement nombreux en montagne, et que personne ne cherche ici à les nier, la déclaration de cet officiel népalais est discutable sur deux points.

Non, la météo n’a rien à voir là-dedans !

  • Dire que les conditions météo étaient mauvaises cette saison est plutôt faux, elles étaient même plutôt bonnes comparativement à d’autres années récentes où les fenêtres météo de sommet se réduisaient à 2 ou 3 jours. Cette saison, les alpinistes ont pu s’échelonner au sommet sur près de 2 semaines.
  • Autre erreur, celle d’associer cette soi-disant météo capricieuse aux victimes. A regarder la liste des alpinistes morts à l’Everest de plus près, on comprend autre chose. L’épuisement, l’exposition à la haute altitude et une de ses conséquences, le mal des montagnes, sont à l’origine de la plupart des victimes de la saison. Pourquoi des clients se retrouvent-ils épuisés, à une altitude à laquelle ils ne sont pas préparés ? Parce qu’un opérateur d’expédition les a pris en charge, sans se soucier de leur expérience, de leur expertise en matière de 8.000, parce que ce dernier leur a fourni des guides guère plus expérimentés.

Alors pourquoi les autorités népalaises tirent à boulets rouges sur le changement climatique ? Parce que sinon, la responsabilité est sans doute à chercher du côté de l’organisation du tourisme de montagne et d’une réglementation non adaptée ou non appliquée. A l’inverse du versant tibétain où des règles sont venues limiter certains excès ces dernières années. Les alpinistes ne peuvent par exemple gravir l’Everest sans avoir déjà réussi un autre 8.000. L’expertise et l’expérience des guides est également un sujet suivi de près côté chinois.

L’appât du gain et le manque d’expérience

Du côté népalais, l’appât du gain a fait pousser dans les rues de Katmandou des dizaines d’agences d’expéditions. Si quelques-unes appliquent aujourd’hui des hauts standards de qualité et de sécurité, beaucoup d’autres sont encore loin de cet objectif. Et quand les guides et sherpas n’ont aucune expérience, les clients se retrouvent seuls sur la montagne. Et quand ces derniers ont été acceptés comme clients alors qu’ils étaient trop débutants, les ingrédients parfaits pour un drame sont réunis. C’est ce qui s’est produit à plusieurs reprises cette saison à l’Everest.

Faute d’actions efficaces depuis des années de la part des autorités népalaises, les problèmes de l’Everest sont toujours là. Et toujours les mêmes. Le Guardian n’est pas avare de poncifs sur le toit du monde pour faire diversion : ces cadavres que les alpinistes doivent « enjamber » pour atteindre le sommet, ces « embouteillages » et le « carnage » associé, ce « terrain de jeu pour riches en mal de sensations », sans oublier « une montagne jonchée de déchets ». Il faut atteindre la fin de l’article pour découvrir quelques citations d’Alan Arnette, alpiniste américain qui dénonce depuis longtemps l’inaction des pouvoirs publics népalais.

Des études démontrent que la grande majorité des lecteurs ne vont pas au-delà de la moitié de l’article. Une bonne partie se contentant du seul titre. Dans ces conditions, ils n’auront qu’une conclusion erronée et son développement par des représentants de l’état népalais. Désinformation et propagande. Ceux qui iront plus loin devront se débattre avec une kyrielle de clichés pour attraper les quelques citations pertinentes de l’article.

Illustration © Pixabay

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