Près d’une trentaine d’alpinistes ont atteint il y a quelques heures le sommet du Kangchenjunga. Quoi, vous ne connaissez pas cette montagne ? Elle est pourtant mythique à plus d’un titre.
Même sans vous intéresser de près aux plus hautes montagnes du monde, vous avez certainement entendu parler de l’Everest, peut-être du K2, certainement de l’Annapurna. Mais sauf si le sujet vous passionne, il y a de fortes chances pour que vous n’ayez jamais eu vent de l’existence du Kangchenjunga. Pourtant il s’agit bien de la troisième plus haute montagne de la planète. Juste derrière Everest et K2. Lisez la suite, et vous serez incollable sur ce sommet de l’Himalaya.
Situé à la frontière entre Népal et Inde, le « Kanch’ » (pour les intimes) constitue le seul 8.000 en partie en territoire indien. Gravi pour la première fois en 1955 par une expédition britannique, le Kangchenjunga est loin d’être une formalité. De nombreuses tentatives les décennies précédentes ont échoué, comme celle menée en 1929 par des Allemands. Pourtant il y a quelques heures, il y avait foule au sommet. Près d’une trentaine de grimpeurs ont défilé sur le point culminant. Car si vous ne connaissez pas cette montagne, les opérateurs d’expéditions ne vous ont pas attendu pour proposer leurs services dans cette région. Et ils répètent ici la méthode qui fonctionne sur les autres 8.000. Des cordes fixes installées sur la plus grande partie de la voie et une bonne quantité de bouteilles d’oxygène, le tout pour donner l’impression que gravir la troisième montagne du monde est à la portée de tous…
Le Kangchenjunga, un sommet mythique
En tibétain, le nom de la montagne signifie « Les cinq Trésors de la Grande Neige ». Le massif du Kangchenjunga est composé d’1 sommet principal, culminant à 8.586m, et de quatre antécimes s’échelonnant entre 7.903 et 8.505 mètres d’altitude. Cinq sommets donc, représentant cinq trésors cachés par les Dieux. En octobre 1983, le Français Pierre Béghin réalisait son ascension en solitaire, la première du genre. Un exploit qu’il relatera dans son livre « Les cinq trésors de la Grande Neige ». Et ce n’est pas le seul grand alpiniste que ce sommet à vu défiler. Doug Scott était là en 1979 pour la première sans oxygène. Les Polonais Wielicki et Kukuczka arrachaient la première hivernale en janvier 1986. Et certains y terminaient leur carrière. Comme Wanda Rutkiewicz en 1992 ou Benoit Chamoux trois ans plus tard. Ils font partie des victimes du Kangchenjunga. Une montagne dont les statistiques ont de quoi refroidir. Moins de 500 alpinistes ont réussi son sommet depuis le milieu du XXème siècle. Et au moins 51 grimpeurs ont trouvé la mort entre le camp de base et le sommet (dont presque une vingtaine de sherpas).
Une montagne (en partie) interdite
L’ascension se réalise principalement par le versant népalais. Il existe bien un itinéraire côté indien, mais il a peu été emprunté par le passé. Et au début des années 2000, la règlementation indienne a interdit de gravir cette montagne après que les bouddhistes locaux ont manifesté leur vive opposition à ce qu’ils considéraient comme la profanation d’un lieu sacré. Le Kangchenjunga, au même titre que sept autres sommets « sacrés » indiens, était donc interdit d’accès. L’interdiction a été levée en 2019. Cette saison, les expéditions ont toutes installé leur camp de base sur le versant côté Népal. Interdiction ou pas, la tradition (toujours respectée ?) veut que les alpinistes restent quelques mètres sous le sommet pour ne pas déranger les Dieux. En 1955, les Britanniques avaient été les premiers à faire ce geste de déférence en vers les croyants, ils s’y étaient engagés pour obtenir l’autorisation d’ascension. « Nous sommes allés aussi haut que nous étions autorisés » expliquait Joe Brown à la descente.
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