Ces derniers jours, un homme s’est retrouvé bloqué dans une crevasse sur un 8.000 du Pakistan. Nombre de grimpeurs sont passés par là et ont choisi le sommet plutôt que tenter de lui venir en aide. Ceux qui ont tenté d’aider dénoncent aujourd’hui cet égoïsme des alpinistes « touristes ».
Il y a quelques jours, plusieurs alpinistes se trouvaient en difficulté sur le Broad Peak. L’un d’entre eux, le Sud-Coréen Kim Hong-Bin, ne s’en est pas sorti.
L’issue aurait pu être différente !
Pourtant, à en croire Vitaly Lazo et son équipe, il aurait pu en être autrement. Le grimpeur et skieur de l’extrême a tenté de sauver le Coréen, en vain. Il n’a pas mâché ses mots dans une publication récente sur les réseaux sociaux. Il reproche à nombre d’alpinistes, qu’il préfère souvent appeler « touristes incompétents », leur égoïsme. Leur individualisme. Leur soif de visibilité qui semble l’emporter sur d’autres vies humaines. Il « est clair que si le camp de base avait reçu toutes les informations la nuit du 18 juillet », la priorité aurait pu être le Sud-Coréen.
Au « moins 15 personnes sont passées à côté de lui » et « sa lampe frontale était clairement visible » décrit Lazo. Le porteur de Hong-Bin était épuisé et ne parvenait pas à le hisser hors de sa crevasse. Alors il a demandé de l’aide aux grimpeurs qui montaient vers le sommet, mais personne n’a accepté de s’arrêter. Si Lazo « accepte qu’ils n’aient aucune force pour aider à tirer cette personne handicapée de là ». Il ne « comprend pas pourquoi c’était impossible de rapporter cet incident par radio ».
L’égoïsme des alpinistes en question : « Vous êtes pathétiques »
L’himalayisme commercial est ponctué de ce type d’histoires. Des dizaines de grimpeurs, aveuglés par leur soif de sommet, passent à côté d’autres, agonisants. Certains ont même été laissés pour morts alors qu’ils étaient bien en vie ! Que l’individualisme prenne le dessus ou que l’hypoxie transforme les touristes en bêtes guidées par leur instinct de survie, le résultat est le même. « Quelqu’un aurait tout de même pu appuyer sur le bouton SOS et laisser un appareil avec Kim, quelqu’un aurait pu écrire un message et décrire la situation ». Lazo souligne que la plupart des grimpeurs sont aujourd’hui équipés d’appareils GPS qui permettent d’alerter rapidement d’un tel incident. Il ne cache pas son amertume face au résultat. Sur les « réseaux sociaux, vous êtes de frénétiques hommes courageux, des héros conquérant de 8.000… ». Mais « je dirais que vous êtes pathétiques, des personnes insignifiantes qui ne prêtent aucun importance à la vie humaine ».
Et la non-assistance à personne en danger ?
A ces histoires de grimpeurs abandonnés à leurs sorts par des camarades progressant à proximité se joint souvent la question de la non-assistance à personne en danger. Les grimpeurs qui n’aident pas un blessé en difficulté risquent-ils des poursuites ? Probablement pas. Tout d’abord parce que le concept pénal de non-assistance à personne en danger n’existe pas partout.
Dans les sociétés où cette notion existe, elle comporte des limites. Pour venir en aide à quelqu’un, le sauveteur improvisé ne doit pas se mettre en danger. Se glisser dans une crevasse, grimper sur un 8.000, affronter des pentes très enneigées… autant de caractéristiques d’un potentiel sauvetage de Kim Hong-Bin. Tenter de tirer le Sud-Coréen de son piège de glace était évidemment dangereux. Aucune loi ne pourrait donc lui venir en aide. Seule une position éthique, morale, reste de rigueur. Peut-on aller sereinement vers le sommet quand un autre grimpeur attend de l’aide et que sa vie est en péril ?
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