Depuis toujours aux côtés des alpinistes occidentaux, ils sont enfin sortis de l’ombre. Ce week-end, les sherpas ont démontré qu’ils pouvaient endosser le premier rôle en réussissant la première ascension hivernale de l’histoire du K2. Les félicitations sont arrivées des quatre coins du monde. Mais comment ont-ils réussi là où tant d’autres avaient échoué ?
Au fil des décennies, le rôle des sherpas dans les expéditions a peu à peu évolué. Longtemps cantonnés à des activités de portage, ils ont su développer leurs compétences techniques. Associées à un métabolisme naturellement plus adapté à la haute altitude, ils sont devenus des guides de haute montagne émérites. Nombreux sont ceux titulaires de la certification internationale en la matière. Sur les expéditions commerciales en Himalaya, ils sont désormais omniprésents.
En savoir plus : C’est le terme « sherpas » qui est mis en avant dans cet article : 9 grimpeurs sur 10 au sommet étaient des sherpas. Le 10ème est népalais mais ne fait pas partie de l’ethnie sherpa.
Des félicitations du monde entier pour les Sherpas du K2 !
Autour du monde, les alpinistes ont salué la réussite des sherpas sur l’hivernale au K2. Cette « ascension est une formidable reconnaissance pour les grimpeurs népalais et sherpas. Qui ont aidé tant d’autres à réaliser leurs ascensions, trop souvent dans l’ombre à faire le plus dur boulot. Désormais, ils mènent de plus en plus leurs propres projets, en tant qu’alpinistes » a déclaré Kilian Jornet. Depuis le camp de base du Manaslu, Simone Moro a lui aussi adressé ses félicitations à l’équipe népalaise. Tout comme Reinhold Messner depuis les Alpes.
Du côté des Polonais, himalayistes hivernaux historiques, même son de cloche. « Il faut les féliciter ! » a déclaré Krzysztof Wielicki (lien en polonais), qui dirigeait la dernière expédition polonaise au K2. Andrzej Bargiel évoquait lui « un très grand évènement ». Adam Bielecki a lui aussi réagi. Il s’est dit « très heureux pour les Népalais aient réussi seuls, ils ont été trop souvent éclipsés par les alpinistes célébrés en occident ».
Ces félicitations sont souvent assorties de commentaires sur la manière, notamment sur le recours à l’oxygène en bouteilles. Mais restent des félicitations !
Ascension victorieuse du K2 en hiver : comment ont-ils fait ?
Depuis la fin des années 1990, plusieurs tentatives ont eu lieu. Quelques-uns des plus grands alpinistes du monde ont essayé de vaincre le K2 en hiver, en vain. Si la professionnalisation des sherpas et leur gain d’autonomie est un paramètre central, d’autres sont à signaler s’agissant de cette réussite historique. La seule puissance des Népalais n’était pas suffisante.
L’esprit d’équipe des Népalais
Tout d’abord, les Népalais ont été capables de s’entendre, de collaborer. Dans les précédents tentatives, les problèmes d’égo, les divergences de vue sur la méthode, les approches différentes ont compliqué le fonctionnement des équipes. Jusqu’à des situations de concurrence contre-productive. Cet hiver, ce sont bien des Népalais de 3 expéditions distinctes qui se sont entendus pour travailler de concert à l’atteinte du sommet. C’est une dimension décisive.
De bonnes conditions météo
L’autre atout est évidemment celui des conditions météo et de la voie. Cet hiver est plutôt clément et a offert, dès décembre des fenêtres météo conséquentes pour pouvoir préparer la montagne. Les épisodes tempétueux n’ont pas suffisamment abimés les équipements, ni le mental des grimpeurs. Résultat, avec moins de glace dans certains passages, quelques heures ont suffi à franchir des sections sur lesquelles les alpinistes du passés avaient buté des jours durant.
Un peu d’oxygène en plus
Enfin, l’utilisation de l’oxygène supplémentaire est évidemment une aide précieuse. Qualifié de dopant par certains, il permet en tous cas d’être plus efficace en haute altitude. Et d’accroitre la sécurité. Avec plus d’oxygène, les grimpeurs conservent plus de capacités physiques et cognitives. Ils ont également moins sensibles au froid. L’utilisation d’oxygène supplémentaire a certainement été déterminante. Elle sera largement discutée dans les semaines à venir tant le recours à cet équipement est source de controverse.
MISE A JOUR 18/01/21 : Nims Dai déclare n’avoir pas utilisé d’oxygène supplémentaire pour son ascension !
Aucune de ses dimensions n’est suffisante pour réussir une telle ascension. Il s’agit bien d’un alignement des planètes où tous ces aspects ont pu être maitrisés. Si la chance est partie intégrante d’un tel projet, le travail et la détermination des sherpas a clairement payé.
Illustrations © Mingma G. Sherpa