Cet hiver, plusieurs expéditions chercheront à atteindre le sommet du K2. La plupart ont évoqué le choix de la voie normale, autrement dit l’Eperon des Abruzzes. Du nom du Duc des Abruzzes qui en 1909 avait été l’un des premiers à s’aventurer sur cette impressionnante montagne.
Cet itinéraire est le plus emprunté, sur l’arête sud-est. La majorité des expéditions estivales passent par là. Les himalayistes le connaissent bien même s’il réserve tout de même des passages techniques. A aujourd’hui personne n’est arrivé au sommet en hiver, seules des ascensions en été ont pu réussir. Découvrons cet Eperon des Abruzzes, du camp de base au sommet.
Du Camp de base au pied de l’Eperon des Abruzzes
Le Camp de Base (BC) n’est pas situé au démarrage de la voie. Il est traditionnellement installé sur le glacier Godwin-Austen, sous la Face Sud du K2. A environ 5.130 mètres d’altitude. Une première étape consiste donc à remonter le glacier jusqu’au démarrage de l’Eperon où on installe généralement le Camp de Base avancé. En fonction de l’état du glacier, cette première phase ne comporte pas de difficulté majeure. Evidemment en hiver, les conditions de froid et de vent peuvent déjà être très éprouvantes sur ce parcours qui arrive à 5.300 mètres environ 4 kilomètres plus loin, au Camp de Base Avancé (ABC). Loin de proposer le « confort » du camp de base, l’ABC est surtout un lieu de stockage de matériel. Les premiers temps des expéditions nécessitent souvent de faire la navette entre camp de base et camp de base avancé pour déplacer vivres et matériels nécessaires pour la suite.
De l’ABC au Camp 1, le début de l’Eperon des Abruzzes
Les alpinistes ne dorment pas toujours à l’ABC et continuent parfois directement vers le camp 1 (voir vidéo-ci-dessous). Les pentes au-dessus du Camp de Base Avancé varient entre 45 et 65 degrés, en partie dans des éboulis, crampons aux pieds. Elles peuvent se révéler exposées aux chutes de pierre mais également aux avalanches. Comptez entre 4 et 6 heures entre le Camp de Base Avancé et le Camp 1, par des conditions estivales. Le premier camp d’altitude est situé à environ 6.050 mètres, il est assez exposé mais il est surtout de taille très réduite.
Du Camp 1 au Camp 2, la Cheminée House
Cette section comporte le premier passage technique de l’ascension. Une zone très verticale d’une trentaine de mètres, située à environ 6.600 mètres, juste sous le Camp 2. Cette cheminée porte le nom de Bill House, l’Américain passé par là avant les autres, c’était à la fin des années 1930. Le grimpeur trouve là de nombreuses cordes anciennes, impossible de se perdre. Le Camp 2 est installé à l’abri d’un gros rocher à 6.700 mètres environ. S’il est ainsi à l’abri des avalanches, il est néanmoins très exposé au vent. En hiver où ces derniers peuvent être très tempétueux, nul doute que le Camp 2 pourra se révéler très inhospitalier.
Du Camp 2 au Camp 3 : la Pyramide Noire
La voilà la zone la plus délicate de l’ascension : la Pyramide noire (voir vidéo ci-dessous). Quelques 400 mètres assez verticaux, mélanges de glace, de neige et de rocher. Moins technique que la Cheminée House, ce passage est en revanche beaucoup plus long et l’altitude se fait sentir. Le Camp 3 est installé à la sortie de la Pyramide, au démarrage de pentes de neige, vers les 7.400 mètres.
Du Camp 3 vers le dernier Camp, l’Epaule
Pour atteindre le Camp 4, à environ 8.000 mètres, la pente est moins prononcée que les jours précédents. En moyenne, 30 à 40 degrés dans des pentes neigeuses qui ne présentent pas de difficultés techniques particulières. Si on parvient à faire abstraction des effets de l’altitude, évidemment ! Ce secteur n’est pas systématiquement équipé de cordes fixes même si la norme sur le K2, à l’image de l’Everest, et d’équiper désormais une grande majorité de la voie. Des 7.700 mètres, la pente s’adoucit, c’est le début de l’Epaule. Ces pentes sont propices aux avalanches. Le Camp 4 s’installe généralement sur cette épaule neigeuse. C’est le dernier camp avant le sommet, venteux.
Le record d’ascension en hiver se situe entre les Camps 3 et 4, vers 7.600 mètres.
Vers le sommet, le Bottleneck
C’est de loin la zone la plus exposée de tout l’itinéraire. Un immense sérac domine une bonne partie de la trace sur ce secteur. Il faut en passer par-là, en franchissant notamment un passage étroit et vertical, appelé Bottleneck (goulot d’étranglement, voir vidéo ci-dessous). Environ 80 degrés, donc presque vertical, sur une centaine de mètres. Dans certaines conditions, et compte tenu de l’altitude, ce passage est se révèle très délicat. Une zone au taux de mortalité très élevé. Suite au Bottleneck, la pente est plus abordable et file vers le sommet situé tout de même près de 400 mètres plus haut. Une dernière arête de neige et c’est l’arrivée au sommet à 8.611 mètres.
Manque de chance, ce n’est que la moitié du parcours, il faut désormais descendre !
Illustrations Eperon des Abruzzes © Google Earth – 2020 CNES Airbus Maxar Technologies