Il y a quelques jours, l’Américain Adrian Ballinger était confronté à l’une des plus dures escalades de sa vie. Sur le K2, à plus de 8.000 mètres, il avait décidé de ne pas utiliser d’oxygène. C’est donc tout doucement qu’il avançait vers le sommet, s’exposant de longues heures aux dangers de la montagne.
K2 : les dangers du Bottleneck
Dans l’un des derniers passages techniques, le Bottleneck (comprendre, le goulot de la bouteille) que Ballinger s’est fait le plus de frayeurs. Situé à plus de 8.200 mètres, ce passage très vertical (jusqu’à 60°) est un couloir étroit. Sur près d’une centaine de mètres, le risque est permanent. Les amas de glaces qui surplombent le couloir sont en perpétuel mouvement. A chaque minute, ces séracs menacent de s’écrouler. Au niveau de la mer, parcourir ces 100 mètres serait plus rapide, mais à cette altitude, le grimpeur peut passer des heures sous cette épée de Damoclès.
« Peut-on parler du Bottleneck ? C’est très simple : plus jamais ! » explique Adrian Ballinger. Il décrit la photo ci-dessous en soulignant que quelque chose ne se voit pas. « Ce que vous ne pouvez pas voir, c’est ma peur ! ». « Je ne regretterai jamais ce jour ou ce risque. Mais je ne peux pas totalement justifier ce que j’ai fait. Passer 6 heures sous un sérac aussi actif n’est juste pas très futé ! ».
L’accidentologie du K2 est claire. La quasi-totalité des incidents qui se produisent dans ce passage ont une fin tragique. En août 2008, onze grimpeurs sont ainsi morts dans ou autour du Bottleneck, une bonne partie d’entre eux emportés par des chutes de séracs. Deux ans plus tôt, ce sont quatre Russes qui avaient été balayés par une avalanche à proximité du même couloir. Mais cette fois-ci, la montagne a été clémente, elle a laissé passé les alpinistes sans se réveiller… Adrian Ballinger est arrivé au sommet du K2 en milieu de semaine dernière.
Lire cette histoire dans Piégés sur le K2, No way Down, au Editions du Mont Blanc.
Mais c’est quoi un sérac ?
C’est un bloc de glace, généralement issu d’un glacier, donc il tend à se détacher pour une double raison : les mouvements du glacier et la nature de la pente sous la glace. En présence d’une rupture de pente par exemple, le glacier qui avance va se découper en « gros morceaux » instables. Ces derniers vont peu à peu s’effondrer, poussés par les mouvements du glacier. Il est complexe de prévoir les chutes de séracs ; leurs mouvements étant intimement liés à la dynamique du glacier, elle-même fonction de nombreux paramètres en partie invisibles pour l’alpiniste qui passe par-là. Ci-dessous, un exemple de séracs dans le Massif des Ecrins (Alpes, France).
Illustration © Adrian Ballinger IG / Wikipedias, El Touristo