Peut-on être à la fois avocat, sportif de haut niveau, chef d’entreprise et responsable d’une ONG, dans une seule vie ? La réincarnation chère aux Bouddhistes n’est pas faite pour combler Andrea Zimmermann-Sherpa : elle préfère tout réaliser dans la même vie. Sait-on jamais… La Suissesse s’en est même fait une sorte de mantra : « je suis prête à faire plein de choses pour ne pas vivre normalement ! » affirme-t-elle.
Sportive depuis le plus jeune âge, elle s’est essayée à beaucoup de disciplines. « Le hand-ball ? Non, pas assez d’extérieur… L’aviron ? Non, pas assez de montagne (…) il fallait que ce soit en montagne ! ». Alors le ski alpin, puis le ski alpinisme prennent une place importante dans les jeunes années de la Valaisanne, qui n’en oublie pas de faire des études. Et le sport n’est jamais bien loin, car son diplôme d’avocate est spécialisé dans le droit… du sport ! Résultat, elle passe une partie de son temps au Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne.
« Il fallait que ce soit en montagne, le mot passion est très fort chez moi ! »
Bien vite, les sommets helvètes ne vont pas s’avérer suffisants pour Andrea : elle attendait depuis longtemps de nouvelles découvertes : « déjà à 10 ans quand on m’a parlé d’Himalaya, j’avais les yeux qui brillaient ! ». En 2011, c’est donc un tournant. Elle se joint à une expédition commerciale sur un « 8.000 » au Tibet. Les découvertes sont multiples et inespérées : de nouvelles montagnes, une nouvelle culture, de nouveaux challenges et une histoire d’amour. Le tout, le plus naturellement du monde.
Quelques mois plus tard, elle épouse Norbu Sherpa lors d’un mariage typiquement sherpa. Il était sirdar (NDLR : chef des sherpas) sur la première expédition himalayenne de la Suissesse. Ils ont en commun la même soif d’apprendre, la même ouverture d’esprit, la même envie de partager. Et puis les différences ne sont pas si grandes : « c’est quand même le monde de la montagne, il y a beaucoup de choses en commun entre des montagnards qu’ils soient suisses ou népalais ! » confirme-t-elle.
« On était à deux kilomètres de l’épicentre »
En 2014, elle crée son agence Wild Yak Expeditions et commence à organiser, avec son mari, des expéditions au Népal, au Bhoutan et au Tibet. Du trek familial aux aventures sur des sommets de 8.000, elle développe son affaire. En 2015, elle part pour sa propre ascension de l’Everest et du Cho Oyu. En avril, Andrea et Norbu sont à quelques kilomètres de l’épicentre du terrible tremblement de terre qui va bouleverser le Népal. Au lieu de refaire leurs sacs et de sauter dans le premier avion pour rentrer en Europe, ils font le choix de rester. Pendant plusieurs semaines, Andrea a les pieds dans la boue, distribuant des vivres et aidant à reconstruire des écoles écroulées. « Toutes les récoltes stockées étaient détruites, et l’aide internationale était sur le tarmac de l’aéroport de Katmandou. Les Népalais n’avaient plus rien, même plus de quoi manger » se souvient-elle.
Cette nouvelle casquette solidaire s’était déjà dessinée quelques années plus tôt, avec la naissance du Butterfly Help Project, une ONG suisso-népalaise venant en aide aux populations sherpas. L’organisation travaille notamment à la (re)construction d’écoles, depuis près de 3 ans.
« On est restés 1h30 au sommet de l’Everest, tous les deux »
En 2016, Andrea et Norbu sont au sommet de l’Everest et tout fait sens. Elle revient en Suisse et enchaîne les conférences sur ses aventures, elles alimentent les comptes de son association. Une partie des recettes des expéditions de Wild Yak lui sont aussi reversées. Résultat, l’ONG continue d’aider des centaines d’enfants à aller à l’école. En permettant ainsi aux petits Népalais d’être instruits, elle prend part à l’un des combats de Norbu, son mari. Depuis longtemps, « il se bat pour les droits des sherpas qui travaillent pour des expéditions ». Si les sherpas n’ont pas un véritable accès à l’éducation, les actions de Norbu sont bien sûr limitées.
D’autant que l’univers des sherpas n’est pas tout rose. Entre « les agences qui cassent les prix en rognant sur la formation de leurs employés », le « business des expéditions qui devient une jungle » et les clients inexpérimentés que certaines agences acceptent, au péril de leurs équipes, « les sherpas en prennent plein la figure ! ». C’est pourtant « un peuple tellement respectueux des montagnes (…) en Europe, on a oublié ce respect… » nous confie-t-elle, visiblement touchée par ce sujet.
Aux clients de son agence qui veulent grimper sur le toit du monde, Andrea explique que c’est un long chemin, pas une lubie. Ceux qui ne comprennent pas sont recalés : « on est très stricts là-dessus » ! Pour elle aussi, le chemin était long jusqu’à l’Everest. Et ce n’était qu’une étape : « j’ai encore tellement d’envies, tellement de projets ! » conclue-t-elle ! Andrea Zimmermann, un sourire aux lèvres dont elle ne se départ pas, est comme çà. Elle est d’un optimisme communicatif même si elle l’avoue : « je choisis parfois la difficulté, c’est vrai ! ». Evidemment, on n’a qu’une envie après avoir fait sa connaissance : savoir quelle nouvelle casquette elle va ajouter sur sa tête dans les années à venir !
Illustrations (c) Andrea Zimmermann-Sherpa