Savannah Cummins est photographe d’aventure américaine, et alpiniste à ses heures. Plus jeune, une grosse blessure à l’épaule l’a un temps empêchée de grimper. C’est à ce moment-là qu’elle a commencé à photographier ses amis en montagne. Depuis, elle mélange ses deux passions : raconter des histoires d’aventure en images, et les vivre ! De -30°C en Alaska, à 5.500m en Inde, en passant par les conditions extrêmes du Groenland ou d’Antarctique, elle a appris à faire face à tout çà pour réaliser ses photos.
L’année 2017 était chargée pour Savannah. Half Dome au Yosémite en début d’année, au Denali en mai et une fin d’année en fanfare. L’année de ses 25 ans !
<< La seule chose qu’on savait, c’est qu’il y avait beaucoup de sommets jamais gravis >>
Altitude News – Pourquoi avoir choisi le Zanskar cet automne (avec Anna Pfaff et Lindsey Fixmer) ?
Savannah Cummins – C’est Anna, la leader de l’expé, qui avait déjà voyagé trois ou quatre fois au Zanskar. Elle avait entendu parler de la Vallée Raru, qui était un peu plus reculée que celles qu’elle avait déjà explorées. Et après quelques recherches, on était sûres qu’il y avait du potentiel dans le coin. On n’avait pas de sommet spécifique en tête avant d’installer notre camp de base, on avait trop peu d’informations sur les montagnes alentours. La seule chose qu’on savait, c’est qu’il y avait beaucoup de sommets jamais gravis. Une fois notre camp de base installé, on a commencé à découvrir cette vallée et notre regard s’est porté sur le Pic R6 (6.177m), un superbe sommet accessible depuis notre camp. Alors on a tenté ce sommet !
A.N. – Et c’est la météo qui vous a fait faire demi-tour ?
S.C. – On a eu vraiment un temps pourri. Imprévisible. Sur les 3 semaines dans la région, on a eu 5 jours vraiment ok pour grimper. Mais ce n’est pas le seul souci. Sur le Pic R6, vers 5.300m, on a commencé à lutter contre le mal des montagnes. C’était dans les tous premiers jours et on était pas aussi bien acclimatées qu’on le pensait. On avait pas trop le choix, et c’est la meilleure décision qu’on ait pu prendre. Parce que quelque heures plus tard, à peine arrivées au camp de base, une tempête énorme est arrivée.
<< on a commencé à lutter contre le mal des montagnes >>
A.N. – Malgré cette mousson tardive, quel meilleur souvenir de cette escapade au Zanskar ?
S.C. – Quand tu reviens au camp de base après une longue journée et que tu manges les bons petits plats de Heera, la cuisinière de l’expédition. J’ai pas fait beaucoup d’expé et clairement j’avais jamais fait d’expé avec un cuisto ! C’est trop motivant quand tu passes ta journée sur la montagne, que tu rentres crevée mais que tu as un thé chaud qui t’attend ! J C’est magique ! Et ça participait vraiment de notre découverte de la région.
NDLR : Pendant la suite de l’expédition, d’autres tentatives sur d’autres sommets alentours ont été compromises par la météo. Toutes les voies empruntées étaient des ouvertures. Une voie a été ouverte jusqu’au sommet : Pic 5400 (400m de parois, difficultés escalade de niveau 6a/6b).
<< J’ai vraiment eu le sentiment d’être sur une autre planète >>
A.N. – il y avait déjà pas grand monde au Zanskar, mais tu as fini l’année dans un lieu encore plus reculé…
S.C. – C’était mon premier voyage en Antarctique et j’espère bien que ce n’était pas le dernier. C’était vraiment sauvage. Juste du blanc, sans fin. Des kilomètres et des kilomètres de neige qui s’étirent jusqu’à l’horizon, dans toutes les directions. Quelques pics couverts de neige par-ci par-là. J’ai vraiment eu le sentiment d’être sur une autre planète.
A.N. – En fait tu n’étais pas vraiment seule, il y avait avec toi une équipe incroyable. Quelques-uns des grimpeurs les plus incroyables d’Amérique : Cédar Wright, Alex Honnold, Conrad Anker, Jimmy Chin, Anna Pfaff… Et tu faisais partie de cette famille !
S.C. – C’était juste irréel. Un an plus tôt, si tu m’avais dit que j’allais partir avec cette équipe, je ne t’aurais pas cru. La taille de l’équipe, la nature de l’expédition ; tout était fou ! On a vraiment passé de bons moments tous ensemble. On a beaucoup rigolé. Et puis on a évolué par deux pour atteindre chacun les objectifs qu’on s’était fixés. Anna et moi, ça s’est fait naturellement puisque on rentrait du Zanskar. Alex et Cedar. Jimmy et Conrad. C’était super.
<<c’est le froid qui a été difficile à gérer >>
A.N. – Mais tout n’était pas si facile…
S.C. – Pour moi, c’est le froid qui a été difficile à gérer. C’est compliqué de grimper quand il fait si froid qu’il te faut garder plein de couches de vêtements et que tu peux même pas enlever tes gants pour attraper les prises du rocher.
A.N. – En quelques semaines en Antarctique, ton équipe a pu beaucoup grimper et ouvrir plusieurs nouvelles voies. Est-ce que l’Antarctique va devenir un nouvel Eldorado pour les grimpeurs ?
S.C. – Pas si sûr. L’Antarctique, c’est vraiment spécial. D’abord c’est très compliqué d’y aller. J’aurais jamais pu y aller dans cette expé The North Face et notre leader Cedar Wright qui a fait un super boulot logistique avec Conrad Anker. Certainement que d’autres pourront explorer cette région mais elle reste inaccessible pour la plupart des gens. Et c’est pas plus mal. Ça devrait certainement rester ainsi. C’est un environnement très fragile.
Illustrations : photos Savannah Cummins.