Charpentier de métier, Ueli Steck avait très vite délaissé les échafaudages pour les falaises et les sommets du monde entier. Il est décédé cette année, en montagne, à l’âge de 40 ans.
Les débuts
Nous voici à Langnau (illustration de l’article), au cœur de la région de l’Emmental, à une grosse demi-heure de route de Berne. C’est ici, à l’automne 1976, que voit le jour un petit garçon. Ueli Stek. C’est dans cette région suisse qu’il grandit. S’il commence sa découverte du sport en jouant pour les Tigers de Langnau (l’équipe de hockey sur glace locale), il va vite changer d’idée. A 12 ans, il fait ses premiers pas sur le rocher. 3 ans plus tard, fini le hockey, bonjour les grandes voies.
Ça tombe bien, à 1h30 de son domicile, il fait la découverte de l’un des sommets les plus mythiques de l’histoire de l’alpinisme : l’Eiger, 3.970m. C’est sa face Nord qu’il décide de gravir, une voie cotée ED pour « Extrêmement Difficile », la cotation maximale dans les Alpes. Il n’a que 18 ans. Cette face nord qui avec celles des Grandes Jorasses et du Cervin étaient regroupés par l’autrichien Fritz Kasparek sous l’appellation « les trois grands problèmes alpins ». Il accumule les expériences dans les voies les plus réputées des Alpes : aux Drus, sur le Mönch…
Il accélère
Ueli Stek n’a que 25 ans lorsqu’il se frotte à de grands sommets himalayens. Il ouvre la Face Ouest du Pumori, 7.161m, à la frontière entre Népal et Tibet. Et petit à petit, son approche de la montagne va évoluer. Il collectionne de plus en plus de réussites en solo. Les faces Nord de l’Eiger ou des Droites ou même des 8.000. Sûr de lui, il accélère. Bientôt, il en fait sa marque de fabrique. En restant moins longtemps sur une course engagée, on réduit les risques d’y rester. Ça n’engageait que lui. Pour accélérer, il accélère.
Février 2008, il attire les projecteurs en gravissant en solo la face nord de l’Eiger en 2h47, il bat alors son propre record de vitesse. Sur la même voie, les autres mettent deux jours. Décembre de la même année, il bat un autre record aux Grandes Jorasses ce coup-ci. La voie Colton-McIntyre en 2h21. Les bonnes cordées peuvent y rester 15 heures.
Chaque coup de piolet, chaque placement de main, de pied, doit être le bon. Du premier coup. Il n’a pas le choix. S’il veut battre des records, c’est la seule technique possible. Et ça marche. L’année suivante, il réalise Golden Gate à El Capitan (Yosemite), une des voies d’escalade les plus dures du monde, cotée 8a.
Sur les 8.000, même méthode. Si certains rabat-joies ont pu contester la réalisation de certaines voies, en l’absence de preuve tangible, tout porte à croire qu’il a bien réalisé ces exploits. En 2011, 10h38 pour arriver au sommet du Shishapangma (8.027m). En 2013, c’est la face sud de l’Annapurna qu’il pulvérise en seulement 28h. Réussite qui lui vaudra son deuxième Piolet d’Or.
Encore des exploits
En 2015, il réalise l’ascension des 82 sommets de plus de 4.000 mètres des Alpes en moins de 80 jours. Vélo, parapente et pieds comme seuls moyens de rejoindre le sommet suivant. Il y arrive en finalement 62 jours. Un de ses compagnons de cordée chute mortellement pendant cette période. La montagne rappelle régulièrement à l’ordre.
Retour à l’Eiger. Son sommet. Le record lui a été ravi par Dani Arnold quelques années plus tôt. Il réussit à 5 minutes près à récupérer son record. 2h22. Souvenez-vous, celle qui se fait en 2 jours.
La fin
En avril 2017, Steck est sur les pentes du Nuptse pour se préparer à une nouvelle ascension délicate : Everest puis Lhotse en moins de 48h. Il ne fera jamais cette ascension. Son corps est retrouvé sur les pentes du Nuptse. Choc retentissant dans la communauté montagnarde. La « machine » suisse, comme les médias l’avaient surnommé, n’est plus.
Illustrations Langnau By Ginkgo, Ueli By Ludovic Péron