29 mai 1953, Edmund Hillary et Tensing Norgay arrivent au sommet de la montagne la plus haute du monde. C’est la première ascension réussie de l’Everest après des décennies de vaines tentatives. Ils sont respectivement néo-zélandais et indiens mais à la faveur du passé colonial anglais et de son financement, cette expédition sera considérée britannique. Coïncidence ou hasard du calendrier, cet événement en précédera un autre de quelque jours à peine : le 2 juin 1953, Elisabeth II est couronnée. Sa Majesté en profitera pour s’enorgueillir de cet exploit sportif hautement symbolique.
Hillary avait fait une première tentative en 1951, quant à Norgay il était allé encore plus haut en 1952 avec une expédition suisse. Mais que s’est-il passé entre cette ascension victorieuse et le décès de ses deux protagonistes, respectivement en 2008 et 1986 ?
Une pénible controverse
Au lendemain de l’exploit, les médias du monde entier s’emparent du sujet. En quelques jours, la nouvelle fait le tour de la planète. Au Népal comme en Inde, l’exploit de Tensing est acclamé. En Europe, c’est la victoire d’Edmund Hillary qui est sous les feux des projecteurs.
Dans le premier récit complet paru quelques jours plus tard dans le Times, il est question de drapeaux flottant au sommet de l’Everest. Un drapeau britannique, un népalais et un des Nations Unies. Les indiens sont indignés, pas de trace de leur drapeau alors même que Norgay avait rendu possible ce succès.
Alors qu’est évoqué l’anoblissement du néo-zélandais mais pas du sherpa, la presse indienne s’arrête sur un détail. Qui donc est arrivé au sommet en premier ? Norgay, à coup sûr, écrivent-ils. La polémique fit rage pendant des semaines.
Aujourd’hui avec le recul, on mesure la désinformation de l’époque. En effet, Edmund Hillary était arrivé en premier (de quelques mètres). Un drapeau indien était bien présent au sommet. Enfin, les règles en vigueur à l’époque empêchait un citoyen indien de recevoir un titre de noblesse britannique. Il fallut même de nombreuses semaines de pourparlers pour que Norgay puisse accepter la Médaille de George, une distinction plus simple.
Des livres, des conférences
Auréolés de leur victoire, les alpinistes firent paraître le récit de leur ascension. Un journaliste peu scrupuleux fit paraître une biographie de Tensing mais elle fut rapidement décriée et même interdite dans certains pays. Quelques semaines plus tard, John Hunt, leader de l’expédition fit paraître son propre livre, puis le film La conquête de l’Everest fit le tour du monde.
Précédant d’interminables tournées de conférences des petites villes de Grande-Bretagne à la Salle Pleyel (Paris) jusqu’au cœur du Congo Belge. Hunt finit même par affirmer qu’il lui semblait qu’ils continueraient à faire des conférences jusqu’à en devenir fous ! Enfin, en 1955, James Ransey Ullmann écrit avec Tensing Norgay le récit côté sherpa, « le tigre des neiges ». Fin 1955, le tapage médiatique était loin, le monde était passé à autre chose.
D’autres projets
Tenzing s’installa finalement à Darjeeling dans une grande maison qu’une collecte de fonds lui avait financée. De son côté, Edmund Hillary rentra en Nouvelle-Zélande pour y épouser la jeune Louise. Puis il retourna en Himalaya pour atteindre de nouveaux sommets et participa à une expédition britannique en Antarctique (il atteint même le Pôle Sud !).
Il mit sur pieds une fondation : l’Himalayan Trust, pour venir en aide aux populations sherpas. Construction d’écoles, d’hôpitaux, de réseaux d’eau. Cette organisation devint vite très prenante pour le neo-zelandais.
De son côté, Tensig Norgay se focalisa sur son principal projet, la création de l’Institut Himalayen d’Alpinisme chez lui à Darjeeling. Cet organisme forma de nombreux alpinistes indiens et contribua notamment au succès de l’expédition indienne de 1965 à l’Everest. Plus tard, il ouvrit une agence de treks pour les touristes. Il semble que la dépression entacha ses dernières années de vie.
Illustration Jamling Tenzing Norgay, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons