futur du bhoutan

Episode 20 – Du bio, l’indépendance et un futur incertain

Dans ce dernier épisode de Bonheur et Dragon, nous allons évoquer le futur du Bhoutan. Avant de quitter ce petit Royaume de l’Himalaya, nous parlerons de tout ce qui rend aujourd’hui son avenir si incertain.

Attention. Ce podcast est issu d’une série que nous vous encourageons à découvrir dans l’ordre. Accédez aux épisodes précédents.

Le Bhoutan négatif en carbone

Dans un monde transformé par le changement climatique, le Bhoutan souffre de nombreux maux qu’il n’a pas provoqués. Les gaz à effets de serre, ce n’est pas ici qu’il faut les chercher. Car le pays n’est pas neutre en carbone, il est négatif en carbone. Comprendre : il absorbe plus de CO2 qu’il n’en émet. Avec sa large couverture forestière, le pays capte quelques 7 millions de tonnes de dioxyde de carbone par an, alors qu’il n’en produit guère plus de 2. Son électricité est verte, produite par ses barrages et son industrie n’est pas très développée, d’où ces faibles émissions. Le pays restera donc négatif en carbone même si son développement favorise de nouvelles émissions. Faire sa part pour aider la planète à survivre ne passe pas seulement par la question des gaz à effets de serre.

Objectif 100% Bio

Le Bhoutan s’est également lancé dans une agriculture biologique à grande échelle, en lien avec sa tradition bouddhiste d’harmonie avec la nature. Objectif : 100% de bio en… 2020. Un objectif raté et désormais repoussé en 2035, aux côtés d’une volonté d’autosuffisance alimentaire. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout quand comme le Bhoutan on importe une part non négligeable de son alimentation. La cuisine du pays est par exemple basée sur le riz, importé à près de 50%. Quant aux agriculteurs locaux, ils sont tentés de produire pommes, cardamone et pommes de terre, qui se vendent bien plus chers… à l’export. Dans le sillage de l’échec du Sri Lanka à une conversion au 100% Bio, le Bhoutan est encore loin de son objectif.

Electricité : quand la source se tarit ?

Autre incertitude pour le futur, celle de l’électricité. C’est aujourd’hui la première source de revenus, grâce à la vente de presque 70% de la production à l’Inde. Quelques projets de nouveaux barrages sont en cours. Mais le futur s’est obscurci quand le voisin indien a commencé à expliquer que ses besoins en importation d’électricité diminuaient. De l’autre côté de la frontière, pour répondre aux attentes énergétiques d’1,4 milliards d’habitants, on a lancé de grands projets. Notamment autour du solaire ou de l’hydrogène. Et on n’a plus autant besoin du voisin qu’avant. De quoi mettre en stand-by certains chantiers ou projet dans les montagnes du Bhoutan, et poser des questions pour l’avenir. Surtout que le Bhoutan s’est considérablement endetté pour financer sa part des projets, mieux vaudrait donc pouvoir vendre l’électricité qui en découlera.

Un fragile équilibre avec ses voisins

Enfin, le Bhoutan parviendra-t-il a maintenir le fragile équilibre avec ses voisins, conservant ainsi sa souveraineté comme il y réussit depuis longtemps ? Quand la Russie a envahi l’Ukraine en février 2022, les Bhoutanais ont été choqués. Au-delà du sort peu enviable des Ukrainiens, c’est surtout qu’ils faisaient le lien avec leur propre situation, petit pays en bordure de géants. De l’époque de l’Empire britannique à aujourd’hui, le Bhoutan a résisté aux colonisations, et est demeuré indépendant. Parfois aux prix de périlleuses acrobaties, le pays n’a par exemple jamais ouvertement pris position sur le sujet tibétain, pour ne pas froisser Pékin, quand bien même la proximité historique et culturelle avec le Tibet est immense.

Compte tenu de ses liens forts avec New Delhi, le Bhoutan ne pourra composer un futur avec la Chine indépendamment de la relation houleuse Indo-chinoise. Une relation dans laquelle le Bhoutan et ses quelques centaines de milliers d’habitants font office de quantité négligeable.

Il est temps de partir…

Incertitudes autour des relations avec ses voisins, des ventes d’électricité, des impacts du changement climatique, de la jeune main d’œuvre qui quitte le pays ou des conséquences de l’alcoolisme, l’avenir du Bhoutan est loin d’être écrit. En regardant les changements majeurs intervenus ces trente dernières années, on voudrait miser sur un futur radieux. Mais la route à parcourir par le Bhoutan reste longue et semée d’embûches. Heureusement, pour faire face à ce futur incertain, les Bhoutanais ne sont pas seuls. Ils peuvent compter sur leur fameux roi. Le roi Dragon. D’ailleurs, avant de quitter le pays, voici l’hymne national. Vous allez l’entendre, il rend hommage à son souverain.

Dans le Royaume du Bhoutan où les cyprès croissent,
le protecteur règne sur les traditions spirituelles et civiles,
il est le Roi du Bhoutan, le souverain précieux.
Que Son Être demeure éternel et son royaume prospère,
que les enseignements du Sage florissent,
que le soleil de la paix et du bonheur illumine chaque être.

CREDITS. Image d’illustration © Altitude. Interviews, enregistrements au Bhoutan © Altitude. | Son tribune Nations Unies © UN | Autres extraits interviews médias locaux © DR | Bruitages additionnels et musiques d’illustration © Pixabay. | Headphone © Flat Icon / Freepik | Ecriture et voix-off : Arnaud Palancade. Sources complémentaires : Carbon Negativity In Bhutan: An Inverse Free Rider Problem, Harvard International Review, 2022. | Bhutan: The First Carbon Negative Country In The World, Earth.org, 2022. | 100% organic target by 2020 pushed to 2035, Kuensel, 2020. | This Man Is Helping the Entire Country of Bhutan Go Organic, Vice, 2016. | Future of hydropower Cooperation with Bhutan, Vifindia, 2022. | India-Bhutan hydropower cooperation: Assessing the present scenario, Observer Research Foundation, 2022. | Bhutan-China relations, The Diplomat.

4.6/5 - (11 votes)

Podcast Altitude

Découvrez l'histoire de l'alpinisme grâce à ce podcast gratuitement mis à votre disposition.

Voir tous les articles de Podcast Altitude →