Dans ce nouvel épisode de Bonheur et Dragon, nous allons suivre des éleveurs de yaks, ces peuples de nomades qui tentent de survivre dans un monde qui change !
Attention. Ce podcast est issu d’une série que nous vous encourageons à découvrir dans l’ordre. Accédez aux épisodes précédents : Episode 1 | Episode 2 | Episode 3 | Episode 4 | Episode 5 | Episode 6 | Episode 7 | Episode 8 | Episode 9 | Episode 10 | Episode 11.
Des éleveurs de yaks semi-nomades
Bien souvent éleveurs de yaks, des nomades parcourent les montagnes depuis des générations : « ils ont l’impression que c’est leur devoir de perpétuer l’héritage du nomadisme ». Ils mènent une vie simple, au plus près de la nature, au rythme de leurs animaux. Mais ce monde en apparence si préservé est frappé de plein fouet par les bouleversements climatiques. Denkar parcourt ces régions depuis des années et tente de se faire la porte-parole de ces nomades dont les appels à l’aide restent souvent sans réponse : « Même si ces gens participent à la préservation de la nature et de l’environnement, ils sont sans défense face au changement climatique. Cela impacte leur économie et leurs revenus.
Par exemple, les nomades dépendent grandement de leurs produits laitiers. Ils fabriquent du fromage et du beurre pour les vendre. Ils les amènent en ville et les vendent ici. Mais ce n’est plus comme avant. Autrefois, ils pouvaient conserver leur fromage et leur beurre pendant deux semaines. Trois semaines. Parfois des mois. Parce qu’il faisait froid. Mais avec les températures qui augmentent, les nomades disent qu’ils ne peuvent plus conserver leur fromage et leur beurre qui étaient leur source de revenus. À cause du réchauffement climatique, ça fond rapidement, ça moisit. L’impact est donc énorme sur leur vie ».
Ces nomades vivent également sous la menace de nombreux lacs glaciaires qui pourraient tout emporter sur leur passage. Si les plus susceptibles de se déverser dans les vallées sont désormais équipés de systèmes de détection et d’alarme, le risque est bien là. Jetsun Pema, la reine du Bhoutan : « Les pays qui, comme le Bhoutan, ont une faible empreinte carbone sont confrontés aux graves répercussions du changement climatique. Nos glaciers, qui sont les réserves d’eau douce du monde entier et font vivre des milliards de personnes, fondent de plus en plus vite. On trouve 567 lacs glaciaires au Bhoutan, 17 d’entre eux sont potentiellement dangereux à cause du réchauffement climatique. Le débordement d’un lac glaciaire en 1994 a causé beaucoup de dégâts, on s’en souvient tous très bien ».
En octobre 1994, la crue provoquée par un lac glaciaire avait ainsi coûté la vie à près d’une vingtaine de Bhoutanais. Des centaines d’hectares de pâtures pour les yaks avaient été emportés par les flots.
Quand les nomades arrivent en ville
Ailleurs dans le pays, d’autres nomades sont menacés. Dans l’Est, les Brokpas ont vu leur mode de vie transformé en quelques décennies. Aujourd’hui, ils sont nombreux à quitter leur vie dans les alpages pour un destin bien différent. Co-fondateur de Tirawa, leader français du voyage au Bhoutan, Robert Dompnier connait bien les Brokpas : « le gouvernement bhoutanais leur a construit des routes pour aller dans leur village.
Donc aujourd’hui certains vendent leurs yaks pour acheter des 4×4, et pouvoir descendre dans les villes plus importantes de l’Est bhoutanais pour se fournir en biens de consommation. Et il se trouve que ces Brokpas, bien que tout le monde les ait toujours pris pour des barbares moyens qui arrivaient d’on ne sait où, ils sont tout sauf crétins. Ils sont extrêmement brillants à l’école. Vous avez des Brokpas qui font des études en Inde, en Thaïlande, en Australie, d’ingénieur, d’avocat ou de médecin. Ces gens-là qui ont fait des études, peu d’entre eux remonteront vivre dans leur village ».
Le Spa made in Bhoutan
Pas de mer au Bhoutan mais l’eau est partout présente dans le pays. De ces lacs glaciaires aux torrents qui irriguent les rizières. Jusque dans le jardin d’habitations en apparence plutôt modestes. Derrière la ferme des Wangchuk, dans la vallée de Phobjikha, ontrouve une petite cabane. A l’intérieur, le véritable spa bhoutanais. Des bacs en bois remplis d’eau que l’on chauffe avec des pierres tout juste sorties du feu. Des feuilles d’absinthe infusent et diffusent leur parfum. Une tradition séculaire qui se perpétue dans le pays.
Après une dure journée de travail aux champs, on peut ainsi se détendre et méditer dans l’eau. Dans le temps, les bains étaient surtout utilisés en hiver, quand les travaux en extérieurs étaient moins nombreux. La médecine traditionnelle bhoutanaise prête de nombreuses vertus à ces bains, ils contribueraient à soigner l’arthrite, l’hypertension, les douleurs articulaires, les troubles de l’estomac, ou encore de nombreux problèmes de peau.
Un Conte bhoutanais
Immergé dans ce bain chaud, c’est le cadre idéal pour écouter un conte du Bhoutan. Une des nombreuses histoires racontées aux enfants de génération en génération et que seule la tradition orale préserve. Une histoire où les héros ne sauvent pas de princesse mais illustrent certaines valeurs bouddhistes…
Il y a fort longtemps vivait au Bhoutan un pauvre vieillard, un paysan sans le sou. Un jour, alors qu’il creusait dans un champ, il tomba sur un gros morceau de Turquoise, la pierre précieuse. Un caillou presque trop gros pour qu’un seul homme puisse le soulever. Mais certainement assez gros pour faire de lui un homme riche. Plaçant la turquoise dans son panier, il prit le chemin du retour. Mais il ne tarda pas à tomber sur un homme avec un cheval. S’arrêtant pour parler au cavalier, le vieillard lui montra sa turquoise et lui demanda s’il était prêt à échanger la pierre inestimable contre son cheval d’une valeur toute relative. Le propriétaire du cheval n’en croyait pas ses oreilles et accepta l’offre avec joie, laissant le vieux paysan poursuivre son chemin sans sa Turquoise mais avec un cheval.
Un peu plus loin sur la route, le vieillard tomba nez à nez avec un homme menant un dzo, ce croisement entre un yak et un bovin. Face à un interlocuteur incrédule, il demanda s’il aimerait échanger son dzo contre un cheval. L’homme s’empressa d’accepter, de peur que même notre ami ne change d’avis. Ça a continué comme çà jusqu’à ce que le vieux paysan ait troqué son dzo contre un mouton, son mouton contre une chèvre et sa chèvre contre un coq.
Alors qu’il était presque arrivé chez lui, avec son coq sous le bras, il rencontra un homme qui fredonnait une chanson. Enchanté par la mélodie, il demanda à l’homme de lui apprendre à chanter en échange de son coq. La chanson apprise, le vieillard partit en sifflotant, le cœur léger. A ce moment-là, Il se sentit non seulement comme l’homme d’affaires le plus prospère, mais aussi l’homme le plus riche et le plus heureux de tout le Bhoutan.
L’architecture du Bhoutan et les clous
Au sortir du bain, détendus, on peut lever la tête vers cette maison qui nous accueille. Comme la plupart des constructions dans les campagnes du pays, elle suit l’architecture traditionnelle sans même recourir à un plan. Des murs en pisé blanchis à la chaux. De la pierre. Des frontons en bois colorés. Et des cadres de fenêtres en formes de puzzle qui permettent un tour de force surprenant. Les maisons du Bhoutan n’utilisent ni clou ni structures métalliques. Une tradition qui remonte à l’époque où se procurer du métal était mission impossible.
CREDITS. Images d’illustrations, Interviews, enregistrements au Bhoutan © Altitude. | Bruitages additionnels et musiques d’illustration © Pixabay. | Headphone © Flat Icon / Freepik | Traductions et doublages assurés par Clémence Bout et Albin Digue du Master Rédacteur Traducteur de l’Université de Bretagne Occidentale. | Ecriture et voix-off : Arnaud Palancade. | Sources complémentaires : Interviews Denkars Getaway, 2022 | Robert Dompnier, 2022. | Extrait radiophonique Sonam Wangchen, Kho Gi Nga Lu | Le réchauffement climatique menace le mode de vie des éleveurs de yaks, Altitude, 2020. | A GLOF threatens Bhutan right now, The Third Pole, 2019. | Living in constant fear of GLOF, UNDP Bhutan, 2022. | Focus sur les Brokpas, RAO. Soaking in a unique bath culture, BBC Travel, 2015. | Bhutanese architecture guidelines, Ministry of Works and Human Settlement, 2014.