Dans ce nouvel épisode de Bonheur et Dragon, nous allons plonger dans la forêt du Bhoutan, découvrir un maître bouddhiste un peu iconoclaste et suivre un animal mythique…
Attention. Ce podcast est issu d’une série que nous vous encourageons à découvrir dans l’ordre. Accédez aux épisodes précédents : Episode 1 | Episode 2 | Episode 3 | Episode 4 | Episode 5 | Episode 6 | Episode 7 | Episode 8.
70% du territoire couvert de forêts
En survolant le pays, on ne peut y échapper. Une fois au sol, elle est partout. La forêt couvre plus de 70% du territoire bhoutanais. La constitution du pays a d’ailleurs gravé dans le marbre que ce pourcentage ne passerait jamais sous la barre des 60%, depuis la forêt avance, elle ne recule pas. Une bonne partie est sanctuarisée, dans des parcs nationaux, des réserves naturelles. Cette omniprésence de la nature génère nombre de conflits entre humains et vie sauvage. Pour ceux qui vivent de la terre ou d’élevage, les interactions avec des prédateurs sont fréquents. Attaques sur les troupeaux, destructions de récoltes. Les tigres, léopards, singes, sangliers sont les premiers à compliquer la vie des fermiers. Ils aggravent sans le savoir un phénomène déjà enclenché, celui d’un exode rural massif.
La loi ou la religion protègent ces animaux. Résultat, ils ont souvent le dernier mot. Et les paysans jettent l’éponge, pensant trouver une vie plus facile en ville. Tashi résiste. Il élève des yaks dans la région de Paro, il apprend à vivre avec ces prédateurs, notamment grâce aux compensations versées par l’Etat : « Nous n’avons pas peur des léopards des neiges, nous en voyons régulièrement. Mais le gouvernement nous aide et nous ne les tuons pas. Mais parfois, on se met en colère. On dépend entièrement des yacks, donc ça nous attriste de voir leurs petits se faire tuer par des léopards des neiges ».
Le fou divin, Drukpa Kunley
En sortant de la forêt, sur les hauteurs du village de Lobesa, nous attend un petit temple assez discret bâti au XVème siècle. Il est dédié au lama tibétain Drukpa Kunley, surnommé le « fou divin ». Connu pour avoir guidé des milliers de fidèles vers l’éveil bouddhiste en utilisant des méthodes peu orthodoxes. Alcool et sexe faisaient partie de ses enseignements de ce grand maître iconoclaste.
« Drukpa Kunley n’accordait pas sa bénédiction si on venait à lui sans une jolie femme et une bouteille d’alcool. Son surnom « le Saint aux 5.000 femmes » rappelle ces méthodes inhabituelles. La légende explique qu’il était pourvu d’un pénis si puissant qu’il pouvait soumettre les démons. Il urinait sur les textes sacrés et se baladait nu en pleine nature. Sa bénédiction était connue dans tout le pays pour accorder la fertilité. Encore aujourd’hui, des couples qui peinent à avoir des enfants viennent dans son temple.
Dans une étrange cérémonie, le lama touche la tête de la femme avec un pénis fait de bois et d’ivoire, supposément une réplique de celui du Drukpa Kunley. Le temple est décoré de photos d’enfants de toutes époques, nés suite à ces cérémonies ». Résultat, on considère ici que le pénis porte bonheur et éloigne les démons. On voit souvent des phallus suspendus à l’entrée des habitations, ou même peints sur les murs, fièrement dressés. Quant à l’artisanat local, il trouve là une source inépuisable d’inspiration.
Le yéti, migou ou abominable homme des neiges
De retour dans la forêt, même avec un porte-clé phallus on est à la merci des prédateurs. Il en est un que personne n’a jamais vu mais que tout le monde connait. « C’est l’histoire que notre grand-père racontait à ma grand-mère. Autrefois, ils allaient au Tibet pour faire du commerce et ils devaient transporter des rations pour une semaine. Pour l’aller et le retour. Ils ne pouvaient pas emmener de chevaux parce que la neige était trop épaisse. Les chevaux ne peuvent pas survivre là-haut. Donc ils marchaient. Ils formaient des groupes pour aller faire du commerce.
Sur le trajet, ils dormaient dans la forêt et le feu a fini par s’éteindre. Pendant la nuit, quelque chose, un genre d’homme mais plus petit, est venu. Il a mangé les cendres du feu, puis est reparti. Le matin, quand ils se sont réveillés, ils ont vu des empreintes de pas rappelant celles d’un homme dans la neige. À la seule différence qu’elles étaient plus petites. En plus, lorsqu’ils sifflaient la nuit, ils l’entendaient siffler aussi. Et le bruit se rapprochait de plus en plus à chaque sifflement. C’est comme… Je crois que c’est son langage ».
Tout le monde ici vous racontera une histoire de ce genre prenant pour personnage central le fameux yéti. Pour autant il n’existe pas de preuve irréfutable de l’existence d’une telle bête. Des recherches se succèdent depuis des décennies dans tout l’arc himalayen. Les rares empreintes nous dirigent irrémédiablement vers un ours de taille moyenne qui se dissimulerait dans ces montagnes. Mais au Bhoutan, on y croit. A Phobjikha, dans le monastère, une salle fermée au public abriterait le corps d’un petit yéti. Un yéti momifié impossible à voir qui perpétue le mystère. Dans l’Est du pays, une réserve naturelle a vu le jour en 2003. Un territoire de 740 km² supposé servir de sanctuaire… au yéti. Dans ce parc, l’habitat de l’animal mythique est protégé.
CREDITS. Images d’illustrations, Interviews, enregistrements au Bhoutan © Altitude. | Bruitages additionnels et musiques d’illustration © Pixabay. | Headphone © Flat Icon / Freepik | Traductions et doublages assurés par Clémence Bout et Albin Digue du Master Rédacteur Traducteur de l’Université de Bretagne Occidentale. | Ecriture et voix-off : Arnaud Palancade. | Sources complémentaires : Interview Wangyel Tandin, 2022 | Tashi D., by WWF, 2022 | Extrait radiophonique Sonam Max Choki, Oie Handsome | An overview of forestry in Bhutan, AfoCO, 2021. | Phallus art brings luck in Bhutan, and tourists, too, New York Times, 2017. | Au Bhoutan le phallus est sacré, Rue89, 2016. | Le yéti n’existe pas et c’est la science qui le dit, Altitude, 2018. | The Bhutan yeti is so much more than just a myth, Science101, 2022. | Why Bhutanese believe the Yeti still exists, South Asia Monitor, 2020.