Dans ce nouvel épisode de Bonheur et Dragon, explorons des facettes méconnues du petit Royaume himalayen. Notamment celle de l’émigration vers l’Australie ou encore le cas étonnant des montagnes interdites du Bhoutan.
Attention. Ce podcast est issu d’une série que nous vous encourageons à découvrir dans l’ordre. Accédez aux épisodes précédents : Episode 1 | Episode 2 | Episode 3 | Episode 4 | Episode 5 | Episode 6 | Episode 7.
Cap sur l’Australie !
Depuis quelques années, le Bhoutan voit partir des jeunes et des moins jeunes. Si certains vont chercher du travail en Inde ou dans le Golfe persique, c’est surtout l’Australie qui attire désormais les Bhoutanais. Pour y étudier et bien souvent pour y débuter une carrière professionnelle. A Perth, il y aurait près de 12.000 Bhoutanais. Comme Damema, qui étudie, travaille et anime sa chaîne Youtube depuis Perth. Elle mène une vie d’étudiante qu’elle partage avec nombre de Bhoutanais restés au pays.
En Australie, les études sont moins chères qu’aux Etats-Unis ou en Europe et les étudiants peuvent travailler en parallèle de leurs cours. Si bien que pendant le covid les devises envoyées par les Bhoutanais de l’étranger venaient pour plus de la moitié d’Australie. Et les montants sont considérables. Mais au-delà de l’intérêt financier d’un tel exil, le spectre d’une fuite des cerveaux indispensables au développement du pays est bien là. Le mouvement vers l’Australie est récent, difficile d’avoir le recul nécessaire pour savoir si ces Bhoutanais reviendront un jour. Reste que le Bhoutan manque d’ores et déjà de compétences dans des secteurs clés de son développement.
Bhoutan : des montagnes interdites
L’Australie présente bien des avantages mais ses grandes plaines désertiques sont à l’opposé des paysages du Bhoutan. De quoi avoir le mal du pays. Ici, les montagnes sont partout, et font partie de l’histoire et de la culture. Barrières naturelles contre des voisins envahissants, précieuses sources d’eau et d’énergie via l’hydroélectricité, les montagnes sont une bénédiction pour le petit royaume himalayen. Et si on peut marcher à leur pied et trekker sur leurs flancs, impossible de les gravir. Demeures des dieux, les sommets du Bhoutan sont interdits d’accès. Déranger ces déités aurait de graves conséquences pour le pays. Lorsque ce dernier s’est ouvert au tourisme au milieu des années 1970, les montagnes étaient un attrait majeur. Et très vite des expéditions ont été organisées pour gravir leurs sommets.
Une première du genre avait néanmoins eu lieu en 1937. Le Britannique Spencer Chapman organisait alors une expédition pour gravir le Jomolhari, 7.326m. Si l’approche s’effectua depuis le Tibet, l’ascension se fit en territoire bhoutanais. A la descente, après avoir atteint le sommet victorieusement, il rapporta une rencontre avec les populations locales :
« Lorsque on arriva à la cabane de l’éleveur de yaks, qui nous avait tant attirée en montant, on trouva un joyeux lama assis les jambes croisées sur le sol, il marmonnait des prières bouddhistes. Une Bhoutanaise sauvage mais plutôt jolie tressait un panier en bambou au soleil. Bientôt le troupeau de yaks arriva ; tirant des grumes de genévrier de la forêt en contrebas. J’ai rarement rencontré des gens aussi sympathiques et accueillants. Autour du feu ouvert dans la cabane, on nous a donné des bols de lait de yack frais, du fromage et un délicieux riz soufflé. » Ce qu’il avait vu en 1937 pourrait ressembler à s’y méprendre à des scènes que l’on voit encore aujourd’hui au Bhoutan.
Ce n’est qu’en 1994 que les premières restrictions sont apparues avant une interdiction complète en 2003. Avec ses 7.570 mètres d’altitude, le Gangkhar Puensum est la plus haute montagne du monde à n’avoir jamais été gravie. Et elle pourrait bien le rester. Elle comporte bien un versant chinois mais jusqu’à présent, Pékin a respecté la volonté du Bhoutan de ne pas gravir cette montagne. Dans les années 1990, des alpinistes étrangers ont tenté une ascension par le versant chinois. Quand les autorités de Thimphu l’ont appris, elles ont fait le nécessaire pour que le permis soit annulé par le gouvernement chinois. Ce dernier s’est exécuté.
Cool, man….
Les alpages du pays offrent une autre surprise aux randonneurs et aux animaux. Une plante connue pour ses différentes vertus est très friande du climat bhoutanais. Le cannabis pousse ici naturellement mais sa consommation reste strictement interdite. Cela n’empêche pas les trafics, tant pour la consommation de la population que pour la revente, notamment en Inde. Pour l’heure, la plante sert de nourriture au bétail et dans certaines conditions à la fabrication de produits à base de chanvre. L’usage et la possession de cannabis sont aujourd’hui sévèrement réprimés au Bhoutan mais les défenseurs de la plante espèrent un changement de législation. En ligne de mire, le gain potentiel face à la demande mondiale et à un produit qui pousse naturellement dans plusieurs régions du pays. Il n’y a qu’à se baisser pour en ramasser !
CREDITS. Images d’illustrations, Interviews, enregistrements au Bhoutan © Altitude. | Bruitages additionnels et musiques d’illustration © Pixabay. | Headphone © Flat Icon / Freepik | Traductions et doublages assurés par Clémence Bout et Albin Digue du Master Rédacteur Traducteur de l’Université de Bretagne Occidentale. | Ecriture et voix-off : Arnaud Palancade. | Sources complémentaires : Extrait radiophonique Ugyen Giant, Thong Ra Mathong | Understanding the Australia Rush, The Bhutanese, 2022 | Top 5 des montagnes jamais gravies, Altitude, 2018. | L’ascension du Jomolhari, The Himalayan Journal, 1937. | Jitchu Drake, Bhutan’s most interesting mountain, ExplorersWeb, 2022. | In the land of the thunder dragon, only the pigs get high, Mugglehead Magazine, 2021| Bhutan tops tobacco and marijuana users in South Asia, Kuensel, 2017.