Ce troisième épisode du Podcast Bonheur & Dragon nous fait plonger dans la récente histoire du Bhoutan, une toute jeune démocratie. Découvrez son système politique et les raisons de la réussite de son développement.
Attention. Ce podcast est issu d’une série que nous vous encourageons à découvrir dans l’ordre. Accédez aux épisodes précédents : Episode 1 | Episode 2.
Nous voici dans un café de Thimphu, la capitale, pour parler de démocratie au Bhoutan. Il y a encore pas si longtemps, le pays était une monarchie absolue. A l’époque où les Printemps arabes réclamaient du changement dans la rue, le mouvement a été radicalement différent ici. Pas de printemps bhoutanais.
Démocratie au Bhoutan : le roi a décidé de partager le pouvoir
Le père du roi actuel a simplement décidé de partager le pouvoir avec une assemblée élue. Et bizarrement, il a plutôt fait face à des réticences dans la population. Le « roi a dit, un pays ne peut pas survivre sans démocratie. Donc vous allez avoir la démocratie. Tout le monde était, je ne dirais pas horrifié, mais presque. Ils voyaient les pays à côté qui avaient la démocratie et qui n’arrivent à rien. Donc pour eux, c’était l’épouvantail numéro 1. ».
Françoise Pommaret, franco-bhoutanaise, directrice de recherche au CNRS : « les gens au début ne comprenaient absolument pas. Au bout de 15 ans, ils ont bien compris à quoi ça sert. Ils ont compris que leurs députés sont responsables devant eux. Ce qui est très intéressant, c’est qu’on a eu trois élections, déjà. A chaque fois le gouvernement a été déposé, il y a eu un nouveau gouvernement ». Le roi a donc décidé d’abdiquer pour impulser un changement majeur. Un roi jeune et moderne, une constitution toute neuve et de premières élections pour faire naitre cette toute jeune monarchie constitutionnelle. Une transition pacifique très singulière.
Ni nom, ni prénom
Depuis la fenêtre du café, mon regard est attiré par une petite enseigne. Ugyen Dema, un magasin sur le trottoir d’en face porte le même nom que la commandant de bord de notre arrivée. Et bizarrement, c’est également le même nom que la personne qui nous a aidé à organiser le voyage jusqu’ici. En réalité, les homonymes sont légion au Bhoutan. Les deux noms, il n’y a pas vraiment de nom ni de prénom, sont choisis dans une liste assez réduite, souvent proposée par le lama dans le temple fréquenté par la famille.
Wangyel nous explique : « Au Bhoutan, nous tirons nos noms des temples. Dans d’autres pays, les parents choisissent directement le nom de leurs enfants, pas ici. Quand un enfant nait, on l’emmène au temple et c’est là qu’on choisit le nom, dans une petite liste de nom liés au temple ». Résultat, les mêmes noms reviennent sans cesse. Tshering nous confirme : « mes enfants ont reçu leurs noms d’un grand maître, dans mon temple ». On ne fait donc rien comme ailleurs dans ce pays.
Champion du développement
Il n’y a qu’à regarder quelques chiffres pour s’en convaincre. Le Bhoutan est le pays champion du développement. En 1960, l’espérance de vie ne dépassait pas 35 ans. Aujourd’hui, elle atteint 72 ans. Le taux de scolarisation des enfants est passé de 25% à presque 90% en 3 décennies. Sans parler de l’accès au système de santé qui est aujourd’hui généralisé alors qu’il était balbutiant il n’y a pas si longtemps.
François Pommaret explique les raisons de ce développement fulgurant : « C’est que le Bhoutan a très peu de corruption. Et on sait très bien que si un gouvernement est corrompu, le développement ne peut pas se faire correctement. Parce que ce sont les puissants qui prennent l’argent ou l’aide. Au Bhoutan ça n’existe pas. C’est un petit pays, tout le monde se connait. Et si demain j’arrive avec une voiture flambant neuve à plusieurs milliers de dollars, on va se poser des questions ». La quasi-absence de corruption est au cœur de la réussite du développement du Bhoutan. Cette probité rare a ainsi permis au pays d’optimiser les aides internationales qu’il reçoit.
Résultat, le Bhoutan est proche de quitter la catégorie peu enviable des pays baptisés par l’ONU « pays les moins avancés ». Une étape importante dans le développement du pays, prévue pour fin 2023. Il intègrera ainsi les pays dit « en développement ». Un succès là aussi singulier, une transition amorcée par les différents rois et accélérée par le père du roi actuel. De quoi faire grandir encore un peu plus l’amour des Bhoutanais pour la Dynastie des Wangchuk.
CREDITS. Image d’illustration, parlement du Bhoutan © National Assembly of Bhutan. Interviews, enregistrements au Bhoutan © Altitude. | Bruitages additionnels et musiques d’illustration © Pixabay. | Headphone © Flat Icon / Freepik | Traductions et doublages assurés par Clémence Bout et Albin Digue du Master Rédacteur Traducteur de l’Université de Bretagne Occidentale | Ecriture et voix-off : Arnaud Palancade. Sources complémentaires : Interview de : Françoise Pommaret, chercheuse au CNRS, 2022. | Wangyel & Thsering, 2022 | Extrait radiophonique de Meto Pema – Crazy, diffusé en 2022. | Données sur l’espérance de vie : Banque Mondiale | Données sur le taux d’éducation : Annual Education Statistics , Ministère de l’Education du Bhoutan. | Sortie des pays les moins avancés : UNCTAD. | La constitution du Bhoutan.