« Le moment est crucial » explique Audrey Azoulay. La Directrice générale de l’UNESCO introduit le rapport « Montagnes et Glaciers, des châteaux d’eau ». Il se veut un « déclencheur » pour une « action rapide et collective ».
L’UNESCO vient de publier un rapport de 174 pages sur l’évolution des glaciers. Ci-après, voici un extrait de la conclusion dont le titre « Les montagnes, notre affaire à tous » nous interpelle.
« Les montagnes, qui couvrent près d’un quart de la surface terrestre mondiale, fournissent 55 % à 60 % des flux annuels d’eau douce de la planète. Véritables châteaux d’eau de la planète, elles constituent une source d’approvisionnement indispensable à la survie de milliards de personnes — dans les montagnes comme en aval. Elles fournissent également d’autres ressources naturelles, biens et services essentiels et souvent uniques, employés partout dans le monde. Mais en dépit de leur importance capitale, les régions montagneuses ne reçoivent pas généralement autant d’attention que les autres parties du globe et restent largement absentes des programmes d’action mondiaux. Ayant une place à la jonction des crises de l’eau, du climat et de la biodiversité, leur rôle critique dans le développement durable ne peut pourtant pas être ignoré.
Au sein des régions montagneuses, les principales activités économiques incluent l’agriculture, l’élevage, la sylviculture, le tourisme, l’exploitation minière, le commerce transfrontalier et la production d’énergie. Ces régions produisent des marchandises à forte valeur, tels les plantes médicinales, le bois et autres produits forestiers, un bétail particulier et des spécialités agricoles régionales. Elles constituent aussi des zones sensibles en termes de biodiversité agricole, une grande partie du patrimoine génétique mondial servant à l’agriculture comme des plantes médicinales se trouvant dans les zones de montagnes.
En raison du changement climatique, les régions montagneuses se réchauffent rapidement, au point que leur rôle dans le cycle de l’eau s’en trouve modifié de façons inédites et, dans bien des cas, imprévisibles. Si l’accélération de la fonte des glaciers alpins a fait l’objet d’une attention considérable et parfaitement légitime, il faut souligner que c’est le manteau neigeux saisonnier, et non les glaciers, qui constitue, dans la plupart des régions de haute montagne, la principale source de ruissellement. On constate souvent un manque de compréhension et une mauvaise caractérisation de l’importance relative et des contributions respectives de la fonte des neiges, de la glace et des sols gelés envers la disponibilité et la qualité des ressources en eau en aval.
Les conséquences du changement climatique, notamment la hausse des températures, le recul des glaciers, le dégel du pergélisol et la modification des régimes de précipitations, peuvent exacerber les risques de catastrophe naturelle tels que les glissements de terrain, les inondations et les coulées de débris. Sous l’effet du recul des glaciers, le nombre de lacs glaciaires et leur superficie totale ont augmenté de manière significative depuis les années 1990. Davantage de ces lacs verront le jour au cours des prochaines décennies, ce qui entraînera l’apparition de nouvelles zones sensibles, propices à des inondations potentiellement dangereuses, causées par des vidanges brutales de lac glaciaire.
Les pratiques d’exploitation non durables dans l’emploi des terres, à commencer par la déforestation et l’expansion urbaine rapide ainsi que la pollution due aux activités humaines, telle l’exploitation minière, menacent l’équilibre hydrologique de ces régions fragiles, leurs écosystèmes ainsi que les vies qu’elles abritent et les moyens de subsistance des personnes, et ce de la source des cours d’eau jusqu’à la mer.
Plus d’un milliard de personnes (environ 15 % de la population mondiale) vivent dans des régions montagneuses, pour la plupart (90 %) dans des pays en développement. Environ deux tiers des personnes habitant dans ces régions vivent dans des villes. Or, les terrains accidentés, l’exposition accrue aux risques naturels et les coûts plus élevés en montagne font qu’il est plus difficile de mettre en place et d’entretenir des systèmes de distribution d’eau et des réseaux d’assainissement, des stations d’épuration ou encore des systèmes de protection des sources dans ces zones où l’urbanisation progresse rapidement.
Dans les pays en développement, pas moins de la moitié des habitants des zones rurales de montagne sont exposés à l’insécurité alimentaire, les femmes et les enfants étant les plus menacés. Parmi les éléments contribuant à l’insécurité alimentaire figurent l’éloignement et l’inaccessibilité (la distance depuis les routes et les marchés alimentaires, par exemple), les saisons de culture plus courtes, les grandes variations saisonnières des réserves d’eau pour l’agriculture et les faibles niveaux de mécanisation.
Les industries consommatrices d’eau se sont développées dans les régions montagneuses car l’eau et d’autres ressources y sont relativement abondantes. Outre de servir à la production d’énergie (hydraulique par exemple), l’eau sert également à l’extraction et au traitement des minerais, à la production de bois et au développement du tourisme. Dans les régions montagneuses isolées, il peut être difficile d’appliquer une réglementation appropriée, ce qui diminue le contrôle des prélèvements d’eau et des rejets, y compris de polluants industriels susceptibles de compromettre la qualité de l’eau utilisée par les habitants des montagnes comme par ceux qui se trouvent en aval.
Les montagnes fournissent des services écosystémiques relativement à l’eau qui comprennent le stockage et la régulation des inondations ainsi que la réduction des risques d’érosion et de glissements de terrain. En outre, elles se composent d’une large diversité de zones écologiques et possèdent souvent une biodiversité endémique plus riche que les basses terres, notamment de grandes variétés génétiques au sein des cultures agricoles et des espèces animales. L’évolution de la plupart des écosystèmes de montagne va dépendre des changements qui se produiront sur le plan hydrologique bien plus que des effets directs des changements de température ».
Extrait de Montagnes et Glaciers, des châteaux d’eau, de l’UNESCO, publié sous licence Creative Commons CC BY-SA 3.0 IGO | Illustration (c) UNESCO.