Toujours plus nombreux à venir skier en Europe, attirés par les écarts de prix avec les Etats-Unis, les Américains privilégieraient les destinations qui font le plus d’efforts sur le plan environnemental. Le ski long-courrier pourrait donc rimer avec sobriété et durabilité ? Pas si sûr…
Le ski coûte moins cher en Europe
Le Wall Street Journal résumait il y a quelques jours une tendance qui se consolide ces dernières années : « La hausse des coûts et la foule des domaines skiables en Amérique du Nord signifient que de plus en plus de skieurs avertis se tournent vers l’Europe pour leurs prochaines vacances, où les forfaits de remontées mécaniques, même dans les stations les plus fastueuses, coûtent une fraction des prix américains ».
C’est moins coûteux pour un Américain de venir skier en Europe que de skier aux Etats-Unis, alors même que le pays de l’Oncle Sam reste la première destination de ski au monde. Un vendeur de biens immobiliers de montagne expliquait au Financial Times : « Si je veux passer des vacances de ski amusantes, en alternant temps sur les pistes et après-ski avec mes amis et ma famille, je vais certainement en Europe ».
Transport en avion et tourisme durable
A l’heure où les préoccupations environnementales deviennent omniprésentes, notamment dans l’industrie du tourisme de montagne, cette tendance interpelle. Le patron de Ski.com, qui vend près de 75.000 séjours en montagne par an confirme bien que les réservations d’Américains pour l’Europe ont bondi de +43% en un an.
La majeure partie de l’empreinte carbone du tourisme de ski est pourtant causée par… le transport des visiteurs de leur domicile jusqu’à la station. Quand un Américain renonce à skier dans le Colorado pour venir skier en Savoie, nul doute que l’empreinte n’est pas la même (voir encadré plus bas). Quand bien même son portefeuille s’en réjouit.
La montagne plus eco-friendly à 10h d’avion
Un article du magazine américain SnowBrains raconte comment la station de ski suisse d’Andermatt séduit la clientèle long-courrier, notamment américaine. En étant vertueuse sur le plan environnemental. La journaliste explique l’intérêt croissant des touristes américains pour des destinations engagées dans des initiatives vertes. Soulignant qu’Andermatt se distingue par ses efforts en matière de durabilité, avec des investissements dans les énergies renouvelables, une gestion respectueuse des ressources naturelles, et des projets visant à réduire l’impact écologique des activités touristiques. Et la Responsable du développement durable de la station d’expliquer tous les efforts. Et les difficultés résiduelles sur les émissions de gaz à effet de serre des dameuses, que l’on peine à décarboner.
Quelques ordres de grandeur chiffrés pointent le paradoxe entre l’impact relativement marginal des dameuses par comparaison avec celui des voyageurs transatlantiques.
Quelques chiffres et un paradoxe
- Un vol long-courrier Los Angeles – Genève (Suisse) Aller-Retour pour une famille de 4 personnes en quête de vacances au ski rejettera 15,4t de CO2. Quand le vol Los Angeles – Denver (pour skier dans le Colorado) se limitera à 2,7t. Mettez les mêmes 4 personnes dans une voiture essence pour le même trajet (certes long), et l’émission sera d’1 tonne environ. Dans cet exemple, les pratiques individuelles ont donc un impact variant de 1 à 15.
- Une dameuse de motorisation traditionnelle va générer en exploitation entre 60 et 120t de CO2 par saison hivernale en fonction de sa puissance, de son utilisation et de la durée de la saison. L’ordre de grandeur est donc : le déplacement de 5 familles d’Américains qui viennent skier en Europe équivaut aux émissions d’une dameuse pour la saison. Sur sa semaine de vacances, les émissions de CO2 de notre famille américaine approchent donc celle d’un parc de 6 dameuses sur la même période.
Ces comparaisons sont critiquables, et comportent d’évidentes approximations, mais les ordres de grandeur sont bien réels. Et questionnent sans doute la difficile équation des stations de ski entre une stratégie de développement commercial tournée vers le long-courrier et des efforts environnementaux crédibles.
D’autant que si les stations américaines sont bien des destinations plus coûteuses que leurs consœurs européennes (même en tenant compte du transport aérien), elles n’ont pas à rougir de leurs efforts environnementaux. Quand les éco-engagements des domaines skiables français datent de 2020, la charte « Pistes Durables » des domaines skiables américains (NSAA) a fait ses premiers pas en 2000. Les Américains ont de nombreuses destinations qui ont depuis longtemps embrassé le développement durable à deux pas de chez eux.
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