par La fonte des glaciers, les stations de basse altitude qui ferment leurs pistes de ski, la neige qui se fait plus rare et plus tardive. On connait nombre des conséquences pratiques et souvent négatives pour la vie humaine, les écosystèmes, l’économie. Mais qu’en est-il de l’impact sur notre santé mentale ? On parle de plus en plus souvent de l’éco-anxiété qui toucherait 58% des Français entre 16 et 25 ans. Une génération entière qui développe les symptômes de l’anxiété en lien avec les bouleversements écologiques à venir et l’incertitude du futur. Il est un concept dont on parle moins mais qui vaut le détour, celui de la solastalgie. De quoi s’agit-il ? Sommes-nous solastalgiques ? Comment lutter contre ce phénomène ? Pourquoi la montagne – davantage que d’autres environnements – serait-elle une source de solastalgie ?
La solastalgie a plus de 20 ans !
Au début des années 2000, le philosophe australien Glenn Albrecht de l’Université de Perth ébauche un nouveau concept. S’il prend inspiration dans la nostalgie – cette « mélancolie ou le mal du pays ressenti par les individus lorsqu’ils sont séparés d’un foyer qu’ils aiment », il s’en démarque en créant un néologisme : la solaslagie. Un sentiment négatif provoqué par l’altération d’un environnement familier sur lequel on semble n’avoir aucune capacité d’action évidente. Année après année, le randonneur qui voit les glaciers reculer lors de ses excursions estivales peut souffrir de solastalgie. On est nostalgique quand on quitte son pays. On est solastalgique quand on ne bouge pas mais que son pays semble nous quitter. Si on est éco-anxieux face à ce qui va arriver, on est solastalgique devant ce qui s’est déjà produit.
Eco-anxiété ou solastalgie ?
L’éco-anxiété peut intégrer des sources diverses et lointaine. On peut être paniqué par la disparition future de la forêt amazonienne sans l’avoir jamais vue. On peut être touché par le sort des ours polaires sans rien connaître de l’animal. Comme on peut être tourmenté par les conséquences de ce continent de plastiques qui prend forme dans le Pacifique sans jamais avoir vu la mer. La solastalgie semble plutôt liée à un milieu que l’on connait bien, qui nous est familier. Si la Terre tout entière peut être notre environnement familier, notre région d’origine, nos paysages d’enfance, les environs de notre lieu de résidence sont plus souvent en jeu.
La montagne, environnement propice
Les montagnards vivent dans un territoire qui se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne de notre hémisphère. Les changements ne sont pas lointains, ils sont sous leurs yeux. Déjà visibles. Leur monde proche a changé. La montagne de leur enfance n’est plus. Les chutes de pierre et les éboulements qui ponctuent des étés où l’on pouvait jadis grimper sans crainte. Les pistes qui peinent à être enneigées à Noël alors qu’on chaussait les skis début décembre. Les paysages glaciaires transformés par le recul de ces géants de glace qui n’ont plus grande chose de géant. Leur monde familier disparait, devant eux, impuissants. En 2019, le philosophe français Baptiste Morizot évoquait un « mal du pays sans exil ».
La solastalgie n’est pas forcément (que) anxiété, elle peut prendre d’autres formes. Colère, impuissance, culpabilité, tristesse. Et tous leurs symptômes. Le stress post-traumatique que l’on associe facilement aux victimes d’attentat ou de catastrophes naturelles peut être une des formes de réponse des personnes touchées par la solastalgie. Plusieurs médecins s’intéressant au sujet expliquent que le meilleur remède résiderait dans l’action. Si j’essaie de faire des choses, à mon échelle, et même si je peine à entrevoir les résultats, certains symptômes de la solastalgie pourraient diminuer. Alors, face à la Mer de Glace, êtes-vous solastalgique ?
Illustration – le glacier du Rhône au début du siècle © Pixabay
