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Les Lacs Gokyo : dommages irréversibles au pied de l’Everest !

Il y a 40 ans, les touristes occidentaux ne connaissant pas les Lacs Gokyo. A deux pas du sentier battu et rebattu du camp de base de l’Everest, c’est désormais une destination de choix pour les trekkeurs. Ceux qui cherchent à fuir la « foule » des itinéraires les plus fréquentés y trouvent un cadre effectivement plus calme. Et une vue unique sur les massifs environnants et leurs sommets mythiques, au premier rang desquels le Cho Oyu ou l’Everest. Si bien qu’en 2019 près de 20.000 visiteurs sont passés par le petit hameau de Gokyo. Près d’un tiers des touristes qui sont entrés dans le Parc National de Sagarmatha ont fait ce crochet par Gokyo. Une bonne partie de ces visiteurs sont des pèlerins.

Les Lacs Gokyo : sacrés pour les Hindous et les Bouddhistes !

Le petit village sherpa est cerné de lacs de montagne, considérés comme sacrés par les Hindous comme les Bouddhistes. Sauf que pour faire face au passage de 20.000 touristes par an, Gokyo s’est transformé et les conséquences sont dramatiques. Si les lacs sont toujours sacrés, les alpages de Gokyo ont beaucoup changé. Ang Rita Sherpa fait un constat amer de toutes ces évolutions dans le Nepalitimes (en anglais).

Zone humide à la biodiversité exceptionnelle, les lacs en question sont une étape pour plusieurs oiseaux qui migrent à travers l’Himalaya. Ils accueillent également plusieurs espèces rares de plantes et d’animaux. Le Jharal (chèvre sauvage) et le léopard des neiges font ainsi partie des résidents… Au fil des dernières décennies, les petits abris de bergers ont laissé la place à des tea-houses et des lodges toujours plus nombreux. Les locaux y ont trouvé une source de revenus plus confortable que l’élevage de yaks et ont de fait, réduit les espaces de pâture. Surexploités, les pâturages restants se dégradent et l’érosion guette.

Au-delà de l’utilisation des lacs pour des événements de communication, l’impact du tourisme est loin d’être marginal.

Eaux usées, exploitation du bois, gestion des déchets

Aucune infrastructure majeure pour accueillir des flots de touristes n’a été construite. Pourtant, les lodges veulent répondre aux désirs des visiteurs. Ils proposent ainsi bien souvent des toilettes « à l’occidentale » avec une chasse d’eau ! Double impact négatif : consommation d’eau et faute de système de retraitement performant, les fosses sceptiques sont débordées et ces eaux usées atterrissent dans les lacs ou les cours d’eau alentours. Ici comme ailleurs, l’eau est une ressource rare. Le très rapide recul des glaciers fait craindre des difficultés d’accès à l’eau dans les décennies à venir dans tout l’arc himalayen .

Pour se chauffer et cuisiner des repas pour les touristes, il faut également de l’énergie. Aux bouteilles de gaz importées à dos de mules, s’ajoute l’utilisation du bois en grande quantité. Les arbustes autour du glacier de Ngozumba sont donc mis à contribution. A un rythme qui ne leur laisse plus guère le temps de se renouveler. La gestion de déchets n’est pas non plus optimale et des plastiques se retrouvent dans l’eau des lacs sacrés.

Fort de ce constat, Ang Rita Sherpa de l’ONG The Partners Nepal propose de faire de la conservation de cet endroit une priorité. Qui passera, selon lui, par la mise en œuvre de réglementations plus strictes. Comme un système de permis de construire pour limiter les nouvelles implantations de lodges. Ou la création d’un « code de la construction » qui permette d’améliorer l’assainissement ou la consommation d’énergie. D’ores et déjà, certains dommages semblent difficiles à contrer, à commencer par la surexploitation du bois alentours.

Il est peut-être encore possible de limiter l’impact du tourisme et de viser un développement plus durable pour ces régions d’altitude. Malheureusement, en voulant attirer 2 millions de visiteurs par an dans le pays, les autorités népalaises semblent avoir choisi une stratégie quantitative plutôt que qualitative.

Illustrations Lacs Gokyo © Cooper7979 CC BY-SA 3.0

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Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

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