par Au beau milieu de l’Himalaya indien, « la vallée de l’Aryen » abrite le peuple des Brokpas. Ces habitants seraient d’origine indo-aryenne. Physiquement, ils n’ont pas tellement de ressemblance évidente avec les Tibétains ou les Baltis. De quoi susciter interprétations, légendes, fantasmes et un peu de business.
Des origines inconnues aux catégorisations hâtives
Aussi appelée Dah Hanu, la région a été visitée au XIXème siècle par des orientalistes britanniques. Ils ont décrit les Brokpas comme des « vestiges d’une ancienne et pure race aryenne ». Pour Mona Bhan, anthropologue spécialiste des Brokpas : « la théorie selon laquelle les Brokpas seraient des Aryens est un héritage des Britanniques, profondément attachés à la catégorisation raciale à des fins d’exercice de l’autorité, et pas seulement de marquage identitaire ». Certaines « langues parlées dans l’Himalaya du Nord-Ouest étant considérées comme similaires à d’autres langues indo-aryennes, leurs locuteurs ont également été classés comme Aryens » ajoute-t-elle. Cette idée a été renforcée par des théories suggérant qu’ils descendraient de soldats d’Alexandre le Grand. Ce dernier aurait séjourné dans la région après sa campagne en Inde vers 326 av. J.-C. Leur isolation depuis lors aurait contribué à protéger un patrimoine génétique d’une « pureté inégalée ». Des affirmations qu’aucune preuve scientifique sérieuse ne vient étayer.
A ne pas confondre avec les Brokpas du Bhoutan qui n’ont en commun que le nom. Ils n’ont pas la même origine, ne parlent pas la même langue,… En tibétain, brokpa signifierait « nomade » ou « peuple des montagnes ».
Un « tourisme de grossesse » légendaire
Depuis l’ouverture progressive de la région au tourisme en 1974, l’intérêt pour les Brokpas a augmenté. Dans les années 2000-2010, les agences de voyage locales ont même commencé à promouvoir l' »aryanité » des habitants. De quoi attirer une certaine catégorie de visiteurs… Certains Brokpas ont donc adopté cette caractérisation pour améliorer leur situation socio-économique. En 2007, un documentaire racontait les voyages d’Allemandes néonazies qui venaient dans la région pour tenter de concevoir un enfant avec un homme du peuple Brokpa. Il montrait, à visage découvert, un homme de ce peuple qui avait reçu des paiements pour services rendus de la part d’une touriste allemande désireuse de tomber enceinte. Ce qui était présenté comme une tendance massive n’était probablement qu’une anecdote montée en épingle. Les autres témoignages se font rares, les articles racoleurs parlant de « tourisme de grossesse » sans preuve, sont eux, nombreux.
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Les Brokpas, ce « peuple inférieur » à la « race supérieure »
Pour les Brokpas, que le reste du Ladakh considère avec mépris comme « un peuple inférieur », cette étiquette de « race supérieure » qui attire certains touristes a un parfum de fierté. Et d’opportunité. Ils sont à peine quelques milliers, répartis dans une poignée de villages pas très accessibles et cultivent désormais leur différence. Leurs danses, leurs tenues colorées et coiffes fleuries répondent à merveille à la quête d’exotisme de touristes internationaux cherchant à fuir les sentiers battus. Ces derniers contribuent désormais à la vie économique de cette région jadis coupée du monde.
Les Brokpas, eux, sont inquiets pour leur avenir. Entre l’élevage traditionnel qui est menacé par le changement climatique et le manque de financement pour perpétuer leur langue unique et l’enseigner dans les écoles, ils voient la disparition de leur culture séculaire poindre à l’horizon. Il se pourrait bien que ne subsistent bientôt que les coiffes colorées… Et les lointaines légendes d’un peuple himalayen descendant d’Alexandre le Grand.
Illustration – danse folklorique Brokpa © Tridivadurjoy, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
