Depuis 2019, les médias officiels chinois comme le Global Times, CGTN ou l’agence de presse Xinhua ont délaissé le terme Tibet, remplacé par Xizang. Depuis 2023, le mot Tibet a disparu des documents officiels et administratifs chinois. Des changements qui ont leur importance dans la volonté de sinisation du Tibet engagée depuis plusieurs décennies par Pékin.
Dans une tribune parue dans Le Monde le 31 aout dernier, un collectif de 27 chercheurs spécialisés sur le Tibet et La Chine soulignait « la passivité de certains musées » face aux actions de Pékin visant à effacer le Tibet sur la scène internationale. Ainsi le Musée Guimet a remplacé « Tibet » par « monde himalayen ». Alors que le Quai Branly avait retiré les mentions du Tibet pour évoquer « la région autonome du Xizang ». « Le risque d’être rendu complice de la propagande est fort » explique la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio dans une question au gouvernement. Elle est présidente du groupe d’information internationale sur le Tibet au Sénat. Dans une enquête de la cellule investigation de Radio France, le président du gouvernement tibétain en exil réagit. Penpa Tsering explique : « c’est l’état d’esprit de la colonisation chinoise. Ils pensent que si la communauté internationale n’utilise pas le mot ‘Tibet’, alors peut-être qu’il disparaîtra de leur mémoire ».
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Depuis peu, le Musée du Quai Branly a retiré les mentions Xizang de ses cartels. Au Musée Guimet, on plaide une pirouette pour ne pas utiliser Xizang en recourant à l’appellation floue « monde himalayen ». Reste que le terme Tibet est beaucoup moins présent qu’auparavant, et jamais mis en évidence. Depuis plusieurs semaines, des membres de la communauté tibétaine manifestent régulièrement sous les fenêtres du Musée Guimet.
L’an dernier, le Conseil d’Administration de l’institution a recruté deux personnages qui connaissent bien la Chine. Le Patron du Club Med, désormais propriété du géant chinois Fosun. Et l’ancien Premier Ministre Jean-Pierre Raffarin, sinophile convaincu et régulièrement accusé de défendre les intérêts de Pékin. Quant à l’exposition La Chine des Tang, actuellement à Guimet, elle a été financée en grande partie par Pansy Ho. Cette milliardaire de Macao, proche du Parti Communiste chinois, dirige le groupe hôtelier MGM. Des liens naturels avec la Chine pour les uns, la mainmise du soft-power de Pékin pour les autres.
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Au milieu du siècle dernier, Pékin annexe le Tibet forçant son leader, le Dalaï Lama, et des dizaines de milliers de tibétains, à l’exil. Une « libération pacifique » qui n’a de pacifique que le nom imposé par Pékin. Entre 500.000 et 1,2 millions de tibétains auraient perdu la vie lors des deux premières décennies de répression. L’annexion du Tibet par la Chine est sans doute liée aux ressources du sous-sol tibétain, tout comme à l’immense superficie de ce territoire, une « zone de colonisation de premier choix ».
Elle est surtout couverte par le prétexte que le Tibet est chinois depuis le VIIème siècle. Alors même que les liens en ce sens sont plutôt à trouver à partir du… XVIIIème siècle, sous la forme d’une sorte de protectorat « On pourrait très bien dire, au contraire, qu’au IXe siècle, la Chine appartenait au Tibet, puisque la cavalerie tibétaine prend la capitale chinoise et que l’empereur Trisong Detsen exige comme tribut une princesse chinoise ! On voit ici à l’œuvre, par ce retournement total, l’extraordinaire négationnisme chinois » explique le spécialiste Michel Fainberg. Depuis, Pékin aurait lancé une vaste campagne de migration. Notamment dans les grandes villes, la population du Tibet serait aujourd’hui majoritairement issue de l’ethnie Han, et les « Tibétains » seraient minoritaires. En 2019, Elisabeth Badinter parlait « d’un génocide culturel, linguistique et religieux » en préface de la nouvelle version du livre Tibet mort ou vif, de Pierre-Antoine Donnet.
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