En 2008, le Népal est devenu une république. Le roi Gyanendra a alors terminé un règne de 7 ans seulement. Et près de 240 ans de la dynastie Shah. Quelques mois plus tard, les royaumes de Jajarkot, de Bajhang, de Salyan et du Mustang disparaissaient officiellement. L’abolition de ces monarchies jusqu’alors intégrées dans le Royaume du Népal n’a pas été aussi radicale partout. Notamment dans le très reculé territoire du Mustang.
Le roi ou plutôt le raja Jigme Dorje Palbar Bista quitta le pouvoir sans disparaitre pour autant du Royaume de Lo, l’autre nom du Mustang. Il faut dire qu’il descendait d’une interminable lignée de souverains qui remontait jusqu’aux fondateurs du Mustang aux environs de 1380. Raja depuis 1964, il avait accompagné son Royaume dans pas mal d’évolutions.
Du Royaume verrouillé à l’arrivée de la route !
Jadis complètement fermé aux étrangers et base arrière de la guérilla tibétaine armée par la CIA, le Mustang s’est peu à peu ouvert et complètement pacifié. Depuis 2022, la route relie le village de Lo Mathang au reste du Népal. Elle n’a pas encore apporté la prospérité escomptée mais permet désormais de circuler vers Jomosom puis Katmandou. Jusqu’alors, il n’existait qu’une route qui rejoignait la Chine. Roi ou pas, Jigme Dorje était très impliqué dans le développement de son Royaume confronté aux sirènes de l’émigration vers les Etats-Unis, la Corée ou encore le Japon. Aujourd’hui encore, la principale source de revenus de la région est constituée par l’argent envoyé par la diaspora du Mustang. Le tourisme vient compléter cette équation économique fragile.
Une fondation pour continuer à agir
Jusqu’à sa mort en 2016, le roi Jigme Dorje a continué de s’investir dans son Royaume notamment avec la création d’une fondation qui a investi concrètement dans le quotidien des quelque 10.000 habitants. Sous l’impulsion du roi qui ne l’était plus, une quinzaine de garderies ont ainsi été créées pour permettre aux habitants de travailler aux champs en laissant leurs enfants entre de bonnes mains. Tout comme une petite dizaine de centres médicaux pour mailler le territoire. Plusieurs écoles ont été soutenues notamment dans leur capacité à enseigner le lokä, le dialecte tibétain parlé au Mustang. Sans compter plusieurs projets d’infrastructures dans des petits villages de la région. Education, santé, préservation de la culture, autant de thématiques chères au roi que ce dernier pouvait continuer de développer malgré la perte de son titre officiel.
Quel futur pour le (presque) « Royaume » du Mustang ?
Quand le raja est mort en 2016, il avait adopté son neveu, qui a naturellement pris sa succession, sans couronnement. Jigme Singe est désormais un roi sans royaume ou presque. A la tête de la fondation de son père, il continue son œuvre. « Lorsque le roi se déplace dans son district, les habitants du Mustang le traitent avec une affection et un respect visibles. » raconte la presse népalaise. Et l’importance du roi aux yeux des habitants n’a pas disparu. Pour preuve, lors du mariage du prince héritier l’an dernier, un jour férié a été décrété par la municipalité. Les habitants, sur leurs chevaux pour respecter la tradition, se sont déplacés en masse pour assister à la célébration.
La principale préoccupation des habitants est désormais la crise climatique. L’eau manque en hiver, la neige a disparu. Et les averses torrentielles de l’été causent des dégâts que cette région jadis protégée des ravages de la mousson, n’avait jamais connus. Du haut de ses 67 ans, le roi est inquiet pour le Mustang et les changements climatiques : « l’avenir ne s’annonce pas bon du tout » prophétisait-il il y a quelques jours, lors d’un bain de foule à Lo Mathang, jadis capitale du Royaume, à 3.800m d’altitude.
Illustration – vue sur Lo Mathang, ancienne capitale du royaume du Mustang © Glama1, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons