Pierre semi-précieuse, le lapis-lazuli impressionne par sa couleur bleue. Mais son exploitation, principalement aux mains des Talibans, nourrit depuis longtemps des groupes armés. Un expert du sujet souligne que ce qui pourrait être un trésor pour le pays, s’est révélé un véritable « poison ».
C’est une roche métamorphique rare à la couleur bleue éclatante. Le lapis-lazuli est utilisé depuis plusieurs millénaires dans la réalisation d’objets d’art, de bijoux, de vaisselle, mais aussi à des fins médicinales. La statue Nu-banda Ebih-Il, visible au Louvre et découverte dans l’actuelle Syrie, a des yeux en lapis-lazuli. Elle daterait de 2.400 avant J-C. Pierre sacrée pour les Egyptiens du temps des pharaons, on a longtemps pensé qu’elle avait des vertus médicinales voire aphrodisiaques. Le lapis-lazuli est extrait de quelques gisements notamment au cœur du massif de l’Hindou-Kouch en Afghanistan ou dans les Andes chiliennes. La mine la plus importante et celle où la pierre est la plus pure se situe à Sar-e-Sang dans la province afghane du Badakhchan. Les ressources de la région étaient probablement déjà exploitées dans l’Antiquité. Les lapis-lazulis du masque mortuaire de Toutankhamon provenaient très probablement de cette région de l’Hindou-Kouch.
Lapis-Lazuli, source de revenus des Talibans
Il s’agit d’une exploitation assez artisanale où chaque mineur, dépourvu du moindre équipement de sécurité, exploite un bout de filon ou tente d’en trouver un. Quelques centaines d’hommes attaquent ainsi la montagne à la dynamite pour tenter de découvrir la précieuse roche. Les explosifs ont remplacé une technique séculaire qui consistait à allumer des feux dans des cavités et à les éteindre avec de l’eau. Le changement brutal de température permettait de faire éclater les roches en surface et des filons pouvaient apparaitre. L’exploitation de la mine a longtemps suscité les convoitises et différents groupes locaux se combattent régulièrement pour garder leur place dans ce juteux business. La violence est de mise dans la région du Badakhchan et les populations locales sont les premières victimes.
Les Talibans ont repris la main sur cette mine depuis des années. Avant même leur prise de pouvoir en 2021, le lapis-lazuli était une de leurs sources majeures de financement. Leur violent retour à Kaboul n’aurait sans doute pas pu avoir lieu sans les revenus générés par la pierre semi-précieuse. Gérée par l’Etat afghan aux mains des Talibans, la mine approvisionne un petit marché de pierres précieuses à destination de Kaboul. Mais une grande partie de sa production disparait dans les montagnes en direction de la toute proche frontière pakistanaise et se retrouve en Chine avant d’inonder le monde.
Si vous n’avez pas affaire à des lapis-lazulis de synthèse ou de vulgaires cailloux teintés de bleu, les pierres disponibles à la vente sont très probablement en provenance d’Afghanistan. Notamment si vous les achetez via des sites internet chinois. Il y a quelques années, plusieurs ONG appelaient les Occidentaux à ne plus acheter du lapis-lazulis pour éviter de financer la violence et la corruption en Afghanistan.
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