L’exploratrice, écrivaine voyageuse, sportive et journaliste Ella Maillart a longtemps eu d’yeux que pour les océans. Et puis, elle a parcouru les montagnes ! Découverte de ce personnage extraordinaire.
Ella Maillart est née à Genève d’un père vendant des fourrures et d’une mère sportive. Jeune, elle concourt dans des épreuves de voile, puis de ski alpin. Elle pratique le hockey. Elle navigue même en haute mer, avec ses amies étudiantes. Elles feront la rencontre du navigateur Alain Gerbault qui les contamine avec son projet de quitter un continent ayant permis les atrocités de la guerre. Au lendemain du conflit, férue de voile, Ella rêve de partir vivre dans le Pacifique avec son amie Hermine de Saussure (descendante du Benedict de Saussure du mont Blanc). Mais la maladie puis le mariage de cette dernière vont rebattre les cartes et Maillart va s’éloigner des océans.
Elle part alors pour le vaste monde, en quête de découvertes qui alimenteront livres ou articles. A cette époque, le tourisme de masse n’existe pas, l’aventure, elle, est de mise. Maillart visite notamment les vastes terres soviétiques, traversant le Caucase. Elle voyage du nord de la Chine jusqu’au Cachemire en compagnie de Peter Fleming (le frère du créateur de James Bond), journaliste et agent des services secrets britanniques. Puis elle parcourt Inde, Afghanistan ou encore Iran.
Elle ne se revendique pas féministe mais tout dans son comportement fait la démonstration de son anticonformisme. Elle porte des vêtements masculins tellement plus pratiques en voyage, fume la pipe et pratique de nombreux sports. Et personne pour subvenir à ses désirs d’ailleurs. A l’inverse d’une Alexandra David-Néel pouvant compter sur la fortune de son mari pour financer ses pérégrinations. Maillart paye pour ses projets en écrivant des livres, en vendant des reportages à la presse.
Voyages au Népal dans les années 1950
Elle part pour Kaboul puis vit un temps en Inde quand la seconde guerre mondiale fait rage en Europe. Elle passe notamment par le Népal alors que le pays s’ouvre à peine aux étrangers. Et elle y revient plusieurs fois, même tardivement. A plus de 60 ans, elle réalise ainsi un trek jusqu’au pied de l’Everest.
En 1951, elle randonne dans la région de Gosainkund au nord du pays. Elle voyage léger. Extrait de son compte-rendu d’expédition :
« J’ai emporté avec moi une petite tente, un bon sac de couchage, un matelas pneumatique, un réchaud à essence, un sac à dos avec trois appareils photos, des pellicules 16mm. Tout contenait dans le chargement de deux porteurs, y compris mon grand panier en bambou avec ma casserole, ma tasse et mes provisions.
Tout fut acheté quand je pus enfin partir accompagnée du lieutenant Malla, le meilleur interprète possible, prêté par l’armée pour trois semaines, le gouvernement n’ayant pas approuvé mon idée de voyager avec le lama de Bodhnath. Du lait, des œufs, du beurre et de le tsamba pouvaient être achetés en chemin. Je suis allée au marché pour le thé, les abricots secs, les raisins secs, les noix, le riz et la churia ou les flocons de riz locaux, utiles comme plats cuisinés. Ma facture s’élevait à environ 1 livre sterling. (…)
Le lieutenant Malla était accompagné de trois hommes : ordonnance, sergent et cuisinier ; son équipement militaire était lourd et il avait besoin de cinq porteurs en tout. Aux yeux des Népalais qui nous voyaient, il passait pour le ‘Sahib’, assis à l’aise sur son lit de camp immaculé, sous sa grande tente à deux battants, attendant d’être servi à dîner. Tandis que moi, je restais accroupie dans ma petite tente, pleurant en épluchant mes oignons, gonflant mon matelas ou nettoyant ma poêle. J’avais surpris tout le monde en arrivant sur un vélo ou dans ma manière d’appeler le Maharajah. Je me suis beaucoup amusée à plaisanter avec Malla, je lui disais que le nouveau gouvernement allait introduire la démocratie. Je me considérais tout à fait qualifiée pour démontrer l’inélégance des manières auxquelles j’étais habituée en Occident ».
De retour en Europe, elle élit domicile dans les montagnes suisses où elle s’éteint en 1997 à l’âge de 94 ans.
Illustration © Archives suisses – Domaine Public