Dans les régions reculées des montagnes du Népal, « survivre à un accouchement est affaire de chance ».
En quarante ans, le taux de mortalité maternelle a été divisé par quatre au Népal. En 2019, il était passé sous la barre des 200 décès pour 100.000 naissances. A titre de comparaison, le taux en France se situe sous la barre des 10 décès pour 100.000 naissances. Dans certaines régions de montagne, notamment celles aux infrastructures les moins développées, le taux népalais remonte à près de 400. C’est le cas dans le district de Bajura, comme le raconte Parkash Singh dans le Nepalitimes. Dans « les montagnes reculées du pays, survivre à un accouchement est juste une affaire de chance » résume-t-il. Ces dernières années, plusieurs femmes aux grossesses difficiles sont mortes sur le chemin qui les menait à l’hôpital. Certaines s’en sortent, éventuellement en donnant naissance à leur enfant au bord du chemin.
Le manque d’infrastructure pointé du doigt
La plupart ne peuvent se payer une ambulance, quand une route leur permettrait une telle prise en charge. Quant au programme lancé par les autorités mettant à disposition un hélicoptère militaire pour transporter les femmes enceintes dans les zones les plus reculées, tout le monde ne semble pas y avoir accès. Enfin les dispensaires locaux sont généralement dans l’incapacité de gérer les accouchements à risque. Notamment ceux nécessitant une césarienne. Au-delà du manque d’infrastructure, les problématiques de prévention sont également en jeu. La plupart des futures mères des régions les plus reculées ne savent pas qu’elles sont supposées être suivies par un médecin, voire accoucher dans une maternité. La grande majorité des accouchements dans les montagnes se fait toujours à domicile.
Des traditions et des superstitions
Enfin, la dimension culturelle n’est pas négligeable. Les femmes ne peuvent pas toujours compter sur le père de l’enfant. Dans le Népal profond, les femmes en fin de grossesse se retrouvent parfois ostracisées. A l’image de ce qui se pratique aussi pendant leurs menstruations. Il n’est pas rare, encore aujourd’hui, que des femmes doivent accoucher dans l’étable. Et quand l’enfant est là, elles ne peuvent généralement pas rejoindre l’habitation tout de suite. Elles doivent rester dans cet abri, sans l’aide de personne et avec un régime alimentaire très carencé. Une éviction qui dure généralement pendant les 21 premiers jours de vie de l’enfant, précise le Kathmandu Post. Les « Dieux seraient en colère et les récoltes mauvaises » affirment les locaux.
La croyance demeure très ancrée. Dhan Bahadur Phadera, en charge d’un dispensaire dans le district de Bajura, expliquait que dans son secteur « jusqu’à 80% des femmes accouchent dans les étables. Même les maris qui ont un diplôme universitaire font accoucher leurs femmes dans les étables ».
Et la suite n’est pas toute rose. Les enfants qui commencent leur vie par trois semaines dans une étable sont généralement mal nourris. Les organisations qui tentent d’évaluer les problèmes de sous-nutrition dans la région de Bajura sont formelles. Quand bien même les autorité affirment que le problème a disparu, la réalité du terrain est tout autre. Faute de nourriture suffisante, les mères ont un lait faiblement nourrissant. Sur une quarantaine d’enfants examinés dans le petit village de Muktikot, 36 souffraient de mal-nutrition, explique le Post. Au total, le village compte quelques 200 enfants de moins de 5 ans : aucun ne mange à sa faim.
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