par Les lacs glaciaires du Bhoutan sont scrutés de près. Il faut dire que certains d’entre eux constituent une menace mortelle pour les populations qui vivent à proximité des cours d’eau en aval.
Le phénomène se répète aux quatre coins du monde. Le réchauffement climatique accélère la fonte des glaciers. En reculant, ces derniers laissent place à des lacs glaciaires. Des accumulations d’eau parfois instables qui peuvent à tout moment se déverser en aval. Dans l’Himalaya, le Royaume du Bhoutan ne fait pas exception. Les autorités ont dénombré quelques 700 lacs glaciaires dans le pays. Une petite vingtaine pouvant représenter une menace sérieuse. Et dans cette région du monde, on sait de quoi on parle. Car le drame d’octobre 1994 est encore dans de nombreux esprits. Cette année-là, le lac Luggyetsho avait vu son volume d’eau grossir soudainement et les berges n’avaient pas résisté. En quelques minutes, 18 millions de mètres cubes d’eau avaient filé en direction de la vallée. La soudaineté de l’incident coûta la vie à une vingtaine d’habitants.
Au Bhoutan, l’épée de Damoclès a un nom : le Lac Thorthormi
Depuis, les lacs sont observés de près. Un d’entre eux suscite le plus de craintes. Il se situe non loin du lac Luggyetsho mais ses dimensions sont d’ores et déjà bien plus massives. Le lac Thorthormi, qui pourrait bien fusionner avec son voisin, le lac Raphstreng, totalise quelques 53 millions de mètres cubes d’eau.
Des travaux d’ampleur ont été menés en aval pour élargir le lit des torrents. Et permettre un débit plus important dans les rivières du pays. Avec les moyens du bord, près de 300 ouvriers se sont relayés pendant 4 étés successifs pour agrandir l’exutoire naturel du lac et limiter ainsi son niveau (voir illustration de l’article). Dans les villages les plus proches des lacs, des systèmes d’alarme ont vu le jour. Au beau milieu de la nuit, une sirène peut désormais tirer du lit les habitants pour leur permettre d’évacuer avant que la déferlante n’atteigne leurs maisons. Autant d’initiatives pour tenter de réduire les conséquences d’une nouvelle catastrophe.
Une catastrophe aux conséquences économiques majeures
En 2019, The Third Pole s’intéressait au lac Thortormi est soulignait l’impact colossal qu’une vidange brutale du lac aurait sur l’économie du pays (lien en anglais). Car si les systèmes d’alarme et quelques travaux peuvent avoir minimisé les risques humains, plusieurs centrales hydroélectriques se situent en aval. Ce sont surtout trois projets majeurs, encore en chantier, qui se trouvent sur le passage d’une potentielle déferlante destructrice. L’hydroélectricité est le cœur de l’économie du Bhoutan. Ce petit pays a investi des sommes colossales dans ces projets qui pourraient se retrouver balayés par les eaux du lac Thortormi. Faisant voler en éclat les promesses d’un futur développement économique. En début d’année, une brutale montée des eaux dans les montagnes de l’Uttarakhand (Inde) avait détruit deux chantiers de barrages.
Mais malgré des initiatives de nature à limiter certaines conséquences dramatiques de nouvelles inondations, l’incertitude demeure. Car personne n’est aujourd’hui en mesure de prédire si le lac Thorthormi fera parler de lui dans quelques heures. Ou dans quelques décennies.
Illustration – travaux sur l’un des lacs glaciaires du Bhoutan © UNDP
