Aux confins du Tibet et du Bhoutan, la Chine agrandit peu à peu son territoire à la faveur de frontières mal définies et mal protégées.
Pendant des siècles, l’Empire chinois revendiquait sa souveraineté sur le territoire du Bhoutan. Depuis quelques décennies ce n’est plus le cas, mais le tracé de certaines frontières est parfois incertain. Pour la 25ème fois, des discussions officielles devraient avoir lieu entre Pékin et Thimphu pour tenter de trouver un accord sur ces fameuses frontières. Les 24 précédentes sessions, organisées régulièrement depuis le milieu des années 1980, n’ont pas suffi. En 1998, un accord entre les deux pays est venu entériner la reconnaissance par Pékin de l’existence du Bhoutan. Le document stipulait alors qu’aucune décision unilatérale ne pouvait être prise pour remettre en cause le status-quo aux frontières. Pourtant, la Chine ne s’est pas vraiment tenue à cet accord. Comme l’explique Robert Barnett dans Foreign Policy (lien en anglais), Pékin a avancé ses pions en territoire bhoutanais.
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Bhoutan : la Chine annexe de facto de 500 km²
Des éleveurs chinois se sont d’abord accaparé des prairies pour faire paitre leurs yaks, repoussant vers le sud les éleveurs bhoutanais. Puis une route a été construite et des soldats ont pris le relais. En 2015, un véritable village a été construit sur ce petit territoire si facilement grignoté, quelques dizaines de ménages y résideraient aujourd’hui. Puis un deuxième village quelques années plus tard, et des baraquements militaires. En réalité, c’est toute la région du Beyul (Voir 1 – Carte) que Pékin est en train d’annexer, de facto. Presque 500 kilomètres carrés.
Avec les routes construites côté tibétain, et la militarisation de la zone, le Bhoutan ne peut espérer reprendre son territoire. Sur son versant, il n’y a que montagnes, plateaux et cabanes de nomades. Quand bien même les forces armées du Bhoutan voudraient se mesurer à l’armée chinoise, elles ne peuvent même pas accéder à la région facilement. Avec moins de 800.000 habitants, le Bhoutan compterait quelques 8.000 soldats. En face, la plus grande armée du monde.
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Quel intérêt pour Pékin ?
Mais ce qui intéresse la Chine n’est pas vraiment là. Pékin voudrait bien utiliser cette zone comme monnaie d’échange pour s’installer à l’Ouest du Bhoutan dans un territoire proche de la frontière indienne (Voir 2 – Carte). Bien plus stratégique que ce secteur au nord du petit état himalayen. Une zone qui permettrait aux forces chinoises de se faire plus menaçantes sur le point faible du territoire indien : l’étroit corridor qui relie l’Inde à ses territoires du Nord-Est au niveau de la ville de Siliguri. Sauf que le Bhoutan ne cède pas si facilement, d’autant qu’il est allié de longue date de l’Inde voisine. Avec cette manœuvre, Pékin pourrait mettre en péril d’historiques relations cordiales avec Thimphou sans obtenir de s’installer dans la région visée, aux portes de l’Inde.
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