MISE A JOUR 21/01/20 : Simone et Tamara ont été récupérés par un hélicoptère de l’armée pakistanaise et déposés à Skardu en fin de journée le 20 janvier.
C’est officiel, après une dernière frayeur (et pas des moindres), Tamara Lunger et Simone Moro mettent un point final à leur expédition aux Gasherbrum. Le duo d’Italiens était parti pour passer deux jours sur la montagne, ils avaient même finalement réussi à passer les derniers pièges du glacier pour arriver sur le plateau. Voici ce qu’ils ont vécu, raconté par Simone Moro lui-même.
Une chute en crevasse, une main coincée…
« En m’approchant d’une crevasse, je me mis comme toujours en position pour sécuriser Tamara qui la traversa d’abord puis se dirigea vers la zone de sécurité, à 20 mètres au-delà de la crevasse. Puis ce fut mon tour et après une fraction de seconde, un trou s’est ouvert sous mes pieds et je suis tombé. Tamara a subi un choc si violent qu’elle a littéralement volé jusqu’au bord de la crevasse pendant que je tombais à l’envers sur une vingtaine de mètres, les jambes et les fesses cognant contre la glace dans le boyau sans fin où je continuais à descendre. Pas plus de 50 cm de large, dans l’obscurité totale.
Au-dessus, Tamara avait la corde enroulée autour de sa main et la serrais au maximum, lui causant une douleur et un engourdissement atroces. J’étais dans le noir et elle glissait lentement le long du bord de la crevasse. Tout était compliqué par le fait qu’elle avait des raquettes aux pieds. J’ai réussi d’une main à poser un premier ancrage très précaire. Tout en me sentant descendre lentement vers l’abîme, j’ai eu la lucidité de prendre la broche à glace que j’avais sur mon baudrier et de la fixer dans la paroi lisse et dure de la crevasse. Cette vis m’a empêché de glisser et de tirer probablement Tamara dans la crevasse.
De là, sans entrer dans les détails, nous trouver le moyen de sortir. Près de deux heures plus tard. des heures de contorsion et un effort atroce j’ai pu gravir en piolet-traction toute la crevasse, complètement dans le noir et coincé entre deux murs de 50 cm de large.
Frissonnante et avec mille ecchymoses, j’étreignis Tamara qui pleurait aussi de la douleur dans sa main. Pendant que je grimpais, elle avait réussi à bien m’arrimer pendant que je grimpais les 20 mètres sans fin de glace lisse. Nous sommes descendus au camp de base, qui avait déjà été alerté et rassuré par radio. »
La suite, c’est l’évacuation et l’intervention d’un médecin, notamment pour s’occuper de la main de Tamara. Actuellement « hors d’usage ». Tamara ajoute : « Nous sommes en sécurité maintenant! La main a payé cher, alors que je tenais les 90 kg de Simone plus le sac à dos pendant au moins 2 minutes. J’ai crié comme si j’étais en train d’être tuée, et je savais ce qui allait se passer… J’ai fait face à tout le travail d’une seule main, entre confiance et larmes ».
Illustration © M.Zanga