Chaque année c’est la même histoire. En quelques semaines de printemps, une très forte activité se concentre sur les pentes de l’Everest. Des dizaines d’expéditions commerciales vendent la conquête du toit du monde à qui veut bien l’acheter, et risquer sa vie pour détenir ce trophée. Depuis les années 1990 et le début de l’exploitation de l’Everest, ils sont là. Les sherpas.
Membres d’une ethnie que la nature a, au fil du temps, doté de capacités plus importantes que la moyenne s’agissant de faire face à l’oxygène raréfié et à ses conséquences. Alors ils sont vite devenus indispensables. Ils peuvent porter de lourdes charges là où un occidental peine à avancer avec son pique-nique de la journée bien rangé dans son petit sac à dos. Au camp de base où on comptait près d’un millier d’habitants cette saison, ils représentaient presque la moitié de cette population passagère.
Qu’il s’agisse de sécuriser le glacier du Khumbu avec force échelles et cordes fixes, de transporter des charges jusqu’aux camps d’altitude, d’assister les alpinistes dans les phases délicates de l’ascension, de les tirer jusqu’au sommet… ils peuvent tout faire. Et ils payent le prix de cette omniprésence et des pouvoirs magiques qu’on semble leur attribuer.
Trois morts et des blessés…
En début de saison, deux sherpas ont été blessés par une chute de sérac. Ils étaient en train de sécuriser le glacier du Khumbu, la fameuse Cascade de Glace.
Fin de semaine dernière, Pasang Norbu Sherpa, 41 ans, est mort. Probablement d’un œdème cérébral quelque part entre le Col Nord et le sommet, sur le versant tibétain. Il travaillait pour une agence russe. Quelques heures plus tôt, c’est Damai Sarki Sherpa, 37 ans, un guide sherpa qui chutait dans une crevasse. Il accompagnait un grimpeur étranger vers l’hélicoptère qui devait l’évacuer. C’est finalement lui qui a été transporté en urgence jusqu’à Namche Bazaar où il a succombé à ses blessures. Quelques jours plus tôt, c’est Lam Babu Sherpa qui mourrait en accompagnant une équipe ukrainienne, manifestement épuisé à proximité du camp 4 sur le versant népalais. Un collègue plus jeune, assis un peu plus bas, ne semblait pas en mesure de s’en occuper… L’hypoxie empêche les sherpas d’être aussi lucides qu’il le faudrait à haute altitude, ce ne sont pas des surhommes.
« Je ne serai pas sherpa ! »
Au fil des années, les efforts de formation des sherpas ainsi que la médicalisation du camp de base ont permis de réduire le nombre de morts. Mais cette saison, avec trois sherpas morts pour deux grimpeurs, les habitants de la vallée payent encore une fois un lourd tribut à la conquête de l’Everest. De fait, année après année, les jeunes se détournent de ce métier. Les sirènes de l’argent facile ne suffisent plus à faire oublier les dangers de ce métier. La vallée du Khumbu n’est pas si grande et une majorité de sherpas viennent de la région. Alors tous ont perdu des proches sur l’Everest et aspirent à aller à Katmandou pour y trouver un autre travail. Les quelques récits de héros ne suffisent plus…
Illustration : © 7 summits Club