Durant presque tout le XXème siècle, les expéditions sur les sommets de l’Himalaya ne se sont pas souciées des problématiques environnementales transformant certains sommets en poubelle. Ce n’est que dans les années 2000 que se généralise le concept de « Leave No Trace » (Ne laisse pas de trace) sur les ascensions. Sur les grandes expéditions qui firent jadis le siège de la montagne, des quantités incroyables de matériel étaient apportées jusqu’aux camps de base et d’altitude. Tentes, bouteilles d’oxygène, cordes, échelles,… Il était bien souvent plus simple de les laisser sur place une fois utilisées. Si aujourd’hui les équipes sont plus soucieuses de l’état dans lequel elles laissent la montagne, les restes de décennies sans aucune attention à ce sujet sont omniprésents. Ce n’est d’ailleurs pas propre (c’est le cas de le dire) aux sommets himalayens et à l’Everest en particulier. En effet, les voies d’ascension de l’Aconcagua ou de l’Elbrouz sont connues pour leurs tombereaux de déchets.
Avant, on s’en fichait…
Il y a quelques années, des expéditions ont pris le problème en main et on redescendu plusieurs tonnes de détritus. Des sacs poubelles furent hissés jusqu’au Col Sud à 7.920m pour récupérer des détritus, vieux pour certains de 60 ans. En 2015, la situation ne s’est guère améliorée suite aux violents tremblements de terre qui ont secoué le Népal. La plupart des alpinistes ont abandonné la montagne sur le champ, laissant derrière eux tout leur matériel. On compte par dizaines les tonnes de déchets redescendus depuis mais la montagne n’est pas encore étincelante de propreté.
Maintenant, on fait des efforts…
Les autorités népalaises ont fait des efforts et pris des mesures. Depuis quelques années, toutes les expéditions doivent payer une caution de 4.000 $ (environ 3.400 €) qu’elles pourront se faire rembourser à la descente si elles rapportent suffisamment de déchets. Chaque grimpeur est tenu de revenir avec au moins 8kg de poubelles. Mais il n’y a pas grand monde qui vérifie… Les sherpas quant à eux sont payés 2$ par kilo de déchets redescendus.
L’innovation a sa part de responsabilité dans un Everest plus propre. En effet de plus en plus d’expéditions ont généralisé l’utilisation de ces petites pochettes bleues de la société Cleanwaste qui propose des produits issus de technologie de la NASA. Elles visent à récupérer l’un des déchets les plus problématiques : les excréments humains. Sur le Denali ou l’Aconcagua, le recours à ces petits sacs est devenu obligatoire et contrôlé. A l’Everest, côté Népal comme côté Chine, ce n’est pas encore le cas.
Mais on ne résout rien, on déplace les déchets
Désormais, de plus en plus de détritus sont redescendus des camps d’altitude ou du camp de base. Mais ils ne vont généralement pas très loin. Plusieurs villages à proximité ont désormais des décharges impressionnantes. Certains expéditions trient leurs déchets et arrivent à les acheminer vers des filières de recyclage (en Inde, à Katmandou ou même en Europe) mais un contingent important de ces poubelles termine sa course dans la décharge de Gorak Shep qui déborde sérieusement. Assez logiquement, cet afflux de déchets a un impact sur la qualité des eaux collectées par les populations locales. Des projets, soutenus par des ONG occidentales, sont à l’étude pour valoriser le contenu de ces décharges. Comme celui d’une usine à biogaz qui permettrait de convertir certains détritus en gaz utilisable comme combustible dans la vallée.
Enfin, redescendre des sacs poubelle est déjà une entreprise titanesque, alors certains « restes » d’expéditions risquent fort de rester dans la montagne pour encore pas mal de temps. On estime à environ 200 corps, le nombre de cadavres laissés sur la voie vers le sommet de l’Everest. Certains sont juste sur les bords de la trace.
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