Extrait du récit d’expédition de La Condamine à travers les Andes équatoriennes.
Il fut un temps où on partait en expédition pendant des années. Au XVIIIème siècle, Charles-Marie de La Condamine passa 10 ans en Amérique du Sud. Cet ami de Voltaire n’en était pas à son premier périple mais celui-ci dépassa tous les autres. En durée et en découvertes. Parti en mai 1735 pour mener des mesures sur la forme de la Terre, La Condamine allait affronter le climat des Andes. Il raconte son étonnement face à l’altitude des volcans équatoriens. Extrait de son ouvrage « Journal du voyage fait par ordre du roi, à l’équateur : servant d’introduction historique a la Mesure des trois premiers degrés du méridien ».
La Condamine au pied des volcans d’Equateur
« Le terrain peuplé et cultivé de la province de Quito, de l’aspect duquel j’ai déjà donné une première idée, est un vallon situé entre deux chaînes parallèles de hautes montagnes ; qui font partie de la Cordelière des Andes. Leurs cimes se perdent dans les nues, et presque toutes sont couvertes de masses énormes d’une neige aussi ancienne que le monde, De plusieurs de ces sommets, en partie écroulés, on voit sortir encore des tourbillons de fumée et de flamme au sein même de la neige. Tels font les sommets tronqués de Cotopaxi, de Tongouragua et de Sangaï.
La plupart des autres ont été volcans autrefois, ou, vraisemblablement, le deviendront un jour. L’Histoire ne nous a conservé l’époque de leurs éruptions, que depuis la découverte de l’Amérique; mais les pierres ponces, les matières calcinées dont ils sont parsemés, et les traces visibles qu’a laissées la flamme, font des témoignages authentiques de la réalité de leur embrasement, Quant à leur prodigieuse élévation, ce n’est pas sans raison qu’un auteur espagnol avance que les montagnes d’Amérique sont à l’égard de celles d’Europe, ce que sont les clochers de nos villes, comparés aux maisons ordinaires.
La hauteur moyenne du sol du vallon où sont situées les villes de Quito, de Cuenca, de Riobamba, de Latacunga, de la Villa de Ybarra, et un grand nombre de bourgs & de villages, est de 1500 à 1600 toises au-dessus de la mer. C’est-à-dire qu’elle excède celle des plus hautes montagnes des Pyrénées, comme le Canigou et le Pic du Midi, & ce sol sert de base à des montagnes plus d’une fois aussi élevées, Cayambour, situé sous l’équateur même, Antisana, qui n’en est éloigné que de cinq lieues vers le sud, ont plus de 3000 toises, à compter du niveau de la mer; et Chimborazo, haut de près de 3220 toises, surpasse de plus d’un tiers le Pic de Ténérife, la plus haute montagne de l’ancien hémisphère : Ia seule partie de Chimborazo, toujours couverte de neige, a 800 toises de hauteur perpendiculaire. »
Certains noms propres ne sont plus utilisés sous cette forme aujourd’hui. A l’époque de La Condamine, une toise équivaut à 1,949 m. L’altitude du Chimborazo évoquée correspond donc à près de 6.275m d’altitude. On considère aujourd’hui que le volcan culmine à 6.263m
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