Entre 1911 et 1946, Alexandra David-Néel va multiplier les visites au Tibet. Orientaliste, elle fut la première occidentale à entrer à Lhassa au Tibet, c‘était en 1924. Huit ans plus tôt déjà, bravant l’interdit, elle avait fait une première incursion au Tibet, alors colonie britannique.
<< Lhassa, la plus grande ville du Thibet et sa capitale, est loin d’être une importante cité. Elle est bâtie dans une large vallée, sur la rive droite de la rivière Kyi. D’imposantes chaînes de montagnes arides que le crépuscule teinte de colorations merveilleuses forment son horizon. Si beau que soit le paysage encadrant Lhassa, il ne retiendrait cependant pas l’attention dans un pays riche, comme est le Thibet, en sites d’une majesté exceptionnelle, si le Potala ne lui conférait pas un caractère tout à fait particulier. Ce gigantesque édifice occupe l’un des sommets d’une petite chaîne surgissant, curieusement isolée, au milieu même de la vallée. Mieux qu’aucune description, une image peut en donner une idée ; cependant la meilleure des photographies est impuissante à rendre son apparence imposante tel qu’il se dresse sur sa montagne : piédestal de massives bâtisses élevant dans les airs un palais rouge coiffé de toits d’or. >>
A de nombreuses reprises, elle manqua d’être reconnue et arrêtée :
<< J’étais au marché, arrêtée devant un étalage en plein vent, lorsqu’un agent de police en uniforme vint se placer à côté de moi et me regarda avec insistance. Pourquoi ? Peut-être se demandait-il simplement à quelle province je pouvais appartenir ; peut-être des doutes plus sérieux lui étaient-ils venus. Je n’en pouvais rien savoir, mais il fallait prévoir le pire. Alors, avisant une casserole, je commençai à la marchander avec volubilité, avec acharnement, en offrant des prix ridicules, ainsi que font les sauvageons des frontières. Les gens assemblés autour de la boutique se mirent à rire, échangeant des lazzi – les pasteurs du désert d’herbe, dont je contrefaisais l’accent et les manières, sont un sujet habituel de plaisanterie pour les Lassapas. « Ah ! vous êtes bien une vraie dokpa », me dit la marchande, moitié amusée, moitié irritée de ma ridicule ténacité et de mon bavardage saugrenu. Et tout le monde de rire de plus belle de la bonne femme qui ne connaissait que ses bêtes et l’herbe de son désert. Le policier était parti, riant comme les autres. >>
Alexandra passa près de deux mois à Lhassa, à une période de l’année riche en festivals et fêtes religieuses. Elle finit par être démasquée. Avant que les autorités n’intervienne, elle est déjà loin, en route pour Gyantsé. C’était à cette époque l’un des comptoirs britanniques au Tibet.
<< Je quittai Lhassa aussi paisiblement que j’y étais arrivée sans que personne se fût douté qu’une étrangère y avait vécu au grand jour pendant deux mois. (…)Lorsque je racontai que j’arrivais de la Chine, à pied, que j’avais voyagé pendant huit mois au Thibet, traversé des régions inexplorées et passé deux mois à Lhassa, nul ne trouva, tout d’abord, un mot à me répondre. Littéralement, personne « n’en croyait ses yeux ». >>
Son périple pour atteindre Lhassa ainsi que ses quelques semaines dans la capitale tibétaine l’a rendirent célèbre. Alexandra David-Néel relata cette aventure dans Voyage d’une Parisienne à Lhassa dont sont extraits les quelques paragraphes de cet article.
Elle reviendra plus tard au Tibet, pour y résider quelques années, avant de rentrer en France à sa maison de Digne les Bains (04). Lorsqu’elle est entrée à Lhassa, elle avait déjà 56 ans. Elle passa ses dernières années à Digne avant de mourir à près de 101 ans.
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