Aujourd’hui, si vous avez un peu de chance avec les horaires, vous pouvez mettre de 5h30 à 6 heures pour relier Paris à Chamonix. A la fin du XIXème siècle, c’était une tout autre aventure. Voici comment Edward Whymper la décrivait dans son guide « Chamonix et la chaîne du Mont Blanc » publié en 1896 et réédité plusieurs années durant. La version ci-dessous date de 1904, elle intègre donc les nouveautés de 1898 et 1901. Quand ouvrirent les lignes de chemin de fer de Cluses au Fayet. Et du Fayet à Chamonix. A cette époque, la ligne redescendant vers Martigny est en chantier.
C’est « l’express du soir pour Chamonix, qui est le meilleur train à prendre pendant la saison. Ce train part de la Gare de Lyon. Des places peuvent être choisies bien avant le départ. La meilleure option est de se réserver une place suffisamment à temps pour pouvoir diner au superbe buffet ouvert en 1901. » Whymper précise même les horaires. L’Express en question partant à 20h50 de Paris avec plusieurs arrêts pendant la nuit. Comme Dijon à 1h33 ou Ambérieu à 4h32. « Un bon diner avant le départ vous permettra de dormir toute la nuit. Réveillez-vous à Ambérieu pour admirer le lever du soleil et profiter du paysage. Prenez un café à Bellegarde. Rapidement après avoir quitté cette gare, la voie traverse le Rhône. Et grimpant à une altitude considérable, donne plusieurs vues sur cette campagne pittoresque ».
Sans oublier de « se rafraîchir au Buffet »
Les détails sont précis : « A La Roche (un village français préservé rarement visité par les touristes) veillez à être bien en direction du Fayet pour ne pas être emmené à Annecy et Aix-les-Bains. La ligne se divise ici. La branche du Fayet s’éloigne à gauche, et virevolte pour franchir l’Arve. La ligne d’Annecy tourne à droite, et fait un grand virage pour gravir les collines ». L’arrivée au Fayet est prévue à 11h20. Les « passagers changent de voiture au Fayet pour celles de la ligne électrique qui rejoint Chamonix. L’arrêt qui s’y fait est généralement assez long pour se rafraîchir au Buffet, où un ‘repas à prix fixe’ (3 frs. Vin ou Bière incluse) est servi de 9h45 à 15h et de 18h30 à 19h30 ».
Il évoque ensuite la route qui grimpe vers Chamonix en précisant : « La route, qui a remplacé l’ancienne route de Chamonix à Servoz, commence au Fayet et ne s’élève que légèrement sur les deux premiers kilomètres. Puis les dénivelés augmentent, et un bon piéton qui descend ici peut arriver à Chamonix à pied presque aussi vite qu’une calèche ».
Arrivée à Chamonix en train prévue à 12h40 au terme d’un trajet de près de 15h. Un tel voyage alors vendu 82 Francs et 80 centimes pour un trajet en première classe. Le Ouigo de l’époque, la troisième classe, coûtait 39 Francs et 25 centimes. S’adressant à ses compatriotes britanniques, Whymper souligne non sans ironie que « le français est la langue de Chamonix et de la chaîne du Mont Blanc. On sait à Chamonix que la langue anglaise existe, et pas mal de chamoniards parlent anglais, mais leur modestie naturelle les empêche parfois de le montrer. »
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