Mise à jour 25/05/20 – Reportée à cause de la pandémie et de la fermeture des librairies, la sortie d’Alpinistes de Staline est désormais fixée au 27 mai !
Article initialement publié le 30 mars 2020.
Dans Alpinistes de Staline, Cédric Gras nous entraîne dans une étonnante enquête. Personnages principaux de son travail, les frères Abalakov. Vitali et Evgueni. Deux orphelins de Sibérie qui allaient, dans l’URSS du « petit père des peuples » devenir des « figures glorieuses ». Des héros qui, au nom du pouvoir, se mesuraient aux plus hauts sommets soviétiques. Notamment les bien nommés Pic Staline et Pic Lénine.
« Je n’ai plongé dans l’épopée des Abalakov que parce qu’elle dépasse largement leurs exploits. Parce que j’ai découvert les noms des plus grands alpinistes de l’époque là où je n’aurais jamais imaginé les lire. Parce que ce qui fit le plus de ravages dans leurs rangs, ce ne furent ni les œdèmes de haute altitude, ni les chutes de séracs ou la foudre sur des arêtes effilées de rochers. Non, ce fut une calamité qui n’avait, croyait-on, rien à voir avec la montagne : les purges staliniennes. » écrit Gras dans son ouvrage.
Une enquête très fournie !
Cédric Gras a fait le tour de la Russie d’aujourd’hui pour mieux comprendre ce que l’Histoire n’a pas jugé bon de retenir. En feuilletant les archives du KGB ou en se rendant au pied du pic Lénine, en s’appuyant sur des écrits existants, en écoutant les descendants de certains personnages ou en observant de rares photographies… Il a reconstitué la vie des Abalakov durant cette triste période. Quand les rafles, les purges, les dénonciations détruisaient un pays de l’intérieur, éliminaient ou enfermaient des innocents. Vitali Abalakov lui-même sera emprisonné en 1938.
Il s’en sortira miraculeusement sans que l’on comprenne bien comment un tel miracle ait pu se produire. Son frère, lui, parviendra à éviter les pièges de cette terrible période pour bêtement mourir d’un accident domestique. Alors même qu’il se préparait à emmener l’URSS au sommet de l’Everest. L’auteur a trouvé dans son enquête les principales pièces du puzzle. Il complète habilement les trous en laissant libre cours à son imagination : « Je les imagine dans un appartement miteux », pour mieux revenir à la précision des faits : « à 23h35 selon le rapport officiel, la séance est levée ».
Bien plus qu’une histoire d’alpinistes
Ne cherchez pas dans Alpinistes de Staline une chronique des ascensions des frères Abalakov. Vous découvrirez leurs sommets, évidemment, mais ce n’est pas ce qui fait l’intérêt du récit. Le lecteur ne suit pas seulement les deux frères, il accompagne – haletant – la quête de l’auteur. Quand il feuillette des archives quasi-impossibles à trouver, on veut savoir. On est suspendu à ses découvertes. Comme lui, on essaie de comprendre ce qui s’est passé, l’enchaînement des faits, on tente de décrypter la logique destructrice d’une époque que l’Occident connait si peu.
Cédric Gras, écrivain voyageur, est spécialiste de l’univers post-soviétique qu’il raconte dans ses livres. Un road-trip tragi-comique en Ukraine (Anthracite), des pérégrinations dans l’extrême orient russe (L’hiver aux trousses ou Le Nord, c’est l’Est), ou encore des réflexions sur le voyage à travers l’Eurasie (Saisons du voyage).
Alpinistes de Staline, Cédric Gras, Editions Stock, 20,5€ | Commander ici !
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Illustration © Editions Stock