L’alpiniste britannique Franck Smythe était le leader de l’expédition au Kamet, en 1931. Avec ses 7.756 mètres d’altitude, ce sommet indien allait – temporairement – devenir la montagne la plus haute jamais gravie. Au cours de cette aventure, à la faveur d’un trajet retour à l’itinéraire incertain, Smythe prit part à la découverte de la Vallée des Fleurs. Située au nord de l’état indien de l’Uttarakhand, cette vallée marqua les alpinistes par sa flore particulièrement riche. Elle est aujourd’hui devenue un parc national, classée à l’UNESCO. Quelques années plus tard, Smythe revint dans la vallée des fleurs. Il en résulte l’ouvrage éponyme, publié en 1938. Extrait de The Valley of the Flowers, quand Smythe fait une découverte à faire rêver tout botaniste…
Chapitre XIV : l’alpage inférieur
<< Jusque-là, ma chasse aux fleurs était confinée à la partie supérieure de la Vallée, au-delà des 3.500 mètres d’altitude. Je décidai alors de camper sous la gorge et d’explorer les pâturages de la partie plus basse. Le jour suivant l’ascension du sommet rocheux, je le passais à me reposer et à attendre ma correspondance. J’attendais avec impatience la visite de M. P. Mason, adjoint au gouverneur du Garhwal, et de Mme Mason, mais un coolie arriva avec un message expliquant que Mme Mason était malade à Badrinath et que leur visite devait être annulée. Ils avaient envoyé un colis de pommes, d’œufs et d’oignions. J’accueillis les œufs avec grand plaisir puisque depuis notre départ de Ranikhet, je n’avais pas réussi à en acheter un seul, les locaux considérant les poules comme des animaux sales.
Le matin suivant, 3 juillet, je descendis dans la vallée avec Wangdi et Nurbu. Nous campâmes dans l’alpage sous la gorge où les fleurs, si elles étaient moins abondantes que plus haut, justifiaient à coup sûr un peu d’intérêt. Je trouvais un orchis violet et un arum que je n’avais jamais vu auparavant, tandis que le camp était entouré par des anémones blanches, et des fraisiers qui formaient un tel tapis qu’il était impossible de faire un pas sans écraser une douzaine de fraises. Nurbu en rammasa un plein chapeau, et je les mangeais pour le déjeuner, écrasées dans du lait de brebis. Elles étaient hélas complètement insipides et très indigestes.
Après le déjeuner, je m’avançais seul d’un côté du ravin, où j’avais déjà vu quelques aconits. Je ne pensais pas trouver grand-chose et j’allais faire demi-tour quand dans un recoin humide et moussu, à l’abri de rochers au-dessus de moi, je vis une lueur blanche. Je grimpais la pente pour arriver face à la plus belle primevère que je j’ai jamais vu. Il y en avait un pied, niché sur un coussin de mousse verdoyante. Elles étaient blanches, les pétales aussi légères que les ailes d’un papillon. Elles brillaient dans l’ombre de ce ravin, comme des étoiles tombées sur Terre. Je n’avais jamais vu cette primevère auparavant, et je n’en ai plus jamais revues.
(…) >>
Illustration © Kenpei