Quinze ans avant le succès des Italiens, une expédition américaine allait tenter de vaincre le K2. Malgré une altitude record atteinte par deux membres du groupe, on retient surtout la terrible tragédie qui conclut cette expédition.
À la fin des années 1930, les 8.000 sont toujours invaincus. Le K2, deuxième plus haut sommet du monde (8 611 m), ne fait pas exception. Son isolement extrême et ses pentes glacées le rendant encore plus redoutable que l’Everest. C’est dans ce contexte que l’American Alpine Club organisa une expédition ambitieuse en 1939. Elle fut confiée à Fritz Wiessner, un grimpeur d’origine allemande naturalisé américain. Wiessner était déjà une légende dans les cercles alpins pour ses ascensions techniques dans les Alpes et au Yosemite. L’expédition de 1939 devait marquer une avancée majeure dans l’histoire de l’alpinisme himalayen. Bien avant les grandes conquêtes des années 1950.
1939 : 8.370m sur le K2, altitude record !
L’équipe américaine parvint à installer une série de camps d’altitude sur la voie des Abruzzes, une arête sud-est particulièrement longue et exposée. Contre toute attente, Wiessner et le sherpa Pasang Lama atteignirent environ 8 370 mètres, à seulement 200 mètres du sommet — un exploit sans précédent. Cependant, face à l’épuisement, à l’instabilité météo et au manque d’équipement pour un bivouac en si haute altitude, ils furent contraints de redescendre. Ce revers marqua le début d’une tragédie. En l’absence de radios et avec des consignes mal comprises, l’équipe en contrebas se désorganisa. Le porteur Dudley Wolfe, malade et affaibli, resta bloqué à plus de 7 000 mètres. Trois sherpas envoyés pour tenter de le secourir disparurent avec lui dans la montagne. Aucun ne revint.
La controverse au retour de l’expédition
L’expédition, bien qu’extraordinaire dans sa tentative, se termina dans la douleur et la controverse. Wiessner fut critiqué pour sa gestion de la descente et de l’équipe, même si son engagement physique et sa performance furent salués. D’autres membres de l’équipe furent aussi largement montrés du doigt par l’opinion publique américaine. En réalité, Wiessner avait frôlé un sommet que personne ne parviendrait à gravir avant 1954, lors de l’expédition italienne menée par Ardito Desio. Le drame de 1939 est resté dans l’ombre de cette réussite ultérieure, mais il marqua un tournant dans l’approche de l’alpinisme en Himalaya. La logistique, la coordination et l’éthique de l’effort collectif allaient devenir aussi cruciales que la performance individuelle. Quant à Wiessner, il continua de grimper et d’enseigner, restant une figure majeure du monde alpin. Il est mort en 1988.
Illustration – Itinéraire de 1939 sur le K2 © Svy123, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons [Modif: B&W + itinéraire]