En 1921, Alexander Kellas prit part à la première expédition de reconnaissance britannique à l’Everest. Mais l’Ecossais allait surtout en être la première victime.
De retour d’une expédition sur le Kabru, un 7.000 du massif du Kangchenjunga (Inde/Népal), Alexander Kellas prit place dans les rangs de la joyeuse troupe engagée dans la première aventure britannique à l’Everest. Fatigué par les 7.338m atteints sur le Kabru, l’Ecossais retrouva Charles Howard-Bury qui commandait l’expédition et prit le chemin du Tibet. Il était clairement l’un des alpinistes les plus expérimentés du groupe, et on comptait vivement sur lui.
En ce printemps 1921, voilà près de 14 ans que Kellas venait régulièrement en Himalaya. On lui devait notamment plusieurs premières, comme celle du Pauhunri, un 7.000 du Sikkim. Sur la plupart de ses aventures en altitude, Kellas grimpait accompagné de sherpas, rarement d’Occidentaux. A ce titre, il est aujourd’hui considéré comme l’un des premiers à avoir mis en avant les talents de montagnards des sherpas. Sur le Kabru, il comptait même entrainer ces derniers pour l’expédition à l’Everest qui suivait.
Alexander Kellas, le scientifique !
Il n’était pas que grimpeur. Son parcours de scientifique – il enseignait dans une école de médecine londonienne – l’avait conduit à s’intéresser à la physiologie humaine en altitude. Dès 1916, il écrivait un article sur les possibilités physiques d’ascension au-delà de 7.600 mètres d’altitude, pour le compte de la Royal Geographic Society. Il fut l’un des premiers à comprendre l’utilité de l’oxygène supplémentaire en altitude. Et surtout l’un des premiers à croire que l’on pouvait s’en passer. Il faudra attendre 1978 pour que Messner et Habeler fassent la démonstration de cette intuition ! Kellas avait raison, on peut donc gravir l’Everest sans oxygène.
Quand le Club Alpin Français organisa un Congrès international d’Alpinisme à Monaco en 1920, les travaux de Kellas sur la possibilité de gravir l’Everest figurèrent en bonne place dans les discussions. Déjà à cette époque, il réfléchissait aux notions de teneur du sang en oxygène. Mais aussi de composition de l’air ou encore de la pression atmosphérique variant avec l’altitude.
La terrible marche d’approche
Sur le chemin d’approche, entre l’humidité de la jungle et le froid du col pour basculer au Tibet, le docteur Kellas tomba malade. Il souffrit d’une terrible diarrhée qui l’affaiblit considérablement. Malgré tout, il continua à cheminer tant bien que mal, porté dans les derniers temps. Il mourut à proximité du village de Kampa Dzong, là où l’expédition allait apercevoir l’Everest pour la première fois. Kellas n’aura pas cette chance. Considéré souvent comme la première victime de l’Everest, Alexander Kellas sera ainsi décédé à près de 150km à vol d’oiseau de la fameuse montagne. Il est enterré à proximité du petit village. Sa tombe fait face à trois sommets enneigés, le Pauhunri (7.065m), le Kangchenjhau (6.920m), et le Chomiomo (6.835m). Quelques années plus tôt, il avait gravi chacun d’entre eux.
En savoir plus : A.M. Kellas, Pioneer Himalayan physiologist and mountaineer (Alpine Journal, en anglais)
Illustrations – la forteresse de Kampa Dzong © John Claude White (1853-1918) – Domaine Public
L’article m’a intéressé. Je suppose que vous connaissez l’excellent ouvrage de Wade Davis : Into The Silence: The Great War, Mallory and the Conquest of Everest et traduit et publié aux Belles Lettres qui raconte les trois premières expéditions britanniques à l’Everest dirigées par G. Mallory dont la troisième lui fut fatale. Il parle en détail d’Alexander Kellas.