Dans les années 1950, Claude Kogan parcourt les montagnes du monde entier. Jusqu’à cette expédition de 1959. Cette année-là, Claude Kogan avait organisé une expédition exclusivement féminine et mieux encore, très internationale !
A la faveur de la guerre, Claude fuit Paris et l’occupation pour se réfugier à Nice. Elle y rencontre son mari, George Kogan, membre du club très fermé des alpinistes niçois, aux côtés notamment de Jean Franco. Quand George meurt d’une grave maladie quelques années plus tard, Claude reprend l’affaire familiale de textile. Elle la transforme et la fait prospérer. Mais quelques mois par an, elle continue ce qu’elle avait commencé avec feu son mari. Elle grimpe. Des premières sur des sommets d’Amérique du Sud, de belles voies dans les Alpes et quelques expéditions médiatisées en Himalaya.
Une équipe internationale et féminine dirigée par Claude Kogan !
En 1954, elle est aux côtés de Raymond Lambert au Cho Oyu. Elle rate de peu le sommet mais compte bien y revenir. C’est en 1959 qu’elle parvient à organiser cette nouvelle expédition sur le sixième sommet le plus haut de la planète (8.188 mètres). Le groupe est exclusivement féminin, c’est une première. Claude prend la tête de l’expédition, accompagnée notamment par Jeanne Franco (la femme de Jean et meilleure amie de Claude), l’ancienne skieuse belge Claudine Van der Straten ou la grimpeuse britannique Dorothea Gravina. L’équipe est très forte, on y trouve aussi la Suissesse Loulou Boulaz, première femme à avoir vaincu l’Eperon Walker des Grandes Jorasses. Deux filles et une cousine du célèbre Tensing Norgay sont également de la partie.
A l’heure où les expéditions sont encore nationales et plantent fièrement leur drapeau au sommet, ce projet dénote. Pas moins de 5 nationalités sont représentées pour ce qui est bien plus qu’une première expédition féminine, c’est une véritable expédition internationale d’ampleur.
Un début d’expédition rondement mené
L’automne venu, la caravane s’ébranle à destination du Cho Oyu. Pas moins de 200 porteurs accompagnent ce groupe de femmes sur les quelques trois semaines de marche d’approche à travers le Népal. Parmi eux, une quarantaine de porteurs sont des femmes. Quelques yaks font le voyage aller, ils ne feront pas le trajet retour, transformés entre temps en repas gastronomique pour les membres de l’expédition. Les porteurs permettent d’établir le camp de base mi-septembre aux alentours de 5.600 mètres. Puis, elles installent progressivement leurs camps d’altitude. Fin septembre, le camp III est déjà opérationnel. Début octobre, Kogan, Van der Straten et le sherpa Ang Norbu continuent leur progression pour installer le camp IV. C’est chose faite le 1er octobre, à environ 7.100 mètres d’altitude. Une affaire rondement menée.
Début octobre 1959, les avalanches…
Les restes de la mousson ponctuent l’aventure. Quelques heures de neige et puis le soleil revient. Le 1er octobre ne fait pas exception. Quand le temps se lève, les pentes de la montagne se purgent du surplus de neige accumulée. Les avalanches sont incessantes. Le 2 octobre à la mi-journée, les occupantes des camps d’altitude sont de retour à la base, saines et sauves, à l’exception des alpinistes du camp IV. Kogan, Van der Straten et leur sherpa Ang Norbu ne sont pas encore rentrés.
Deux autres sherpas ne sont pas redescendus tout de suite, ils sont montés à la recherche de Claude, Claudine et Norbu. Piégés par une avalanche au niveau du camp III, seul l’un d’entre eux s’en sort et parvient à redescendre au pied de la montagne. Le sherpa rescapé a les mains gelées d’avoir tenté de sortir son camarade de sous la coulée de neige, sans y être parvenu.
Pendant quatre jours, le mauvais temps est de retour rendant impossible toute reconnaissance en altitude. Le 5 octobre, une trouée dans le brouillard permet d’apercevoir le camp IV. A travers leurs jumelles, les occupantes du camp de base sont tétanisées. Le camp de Kogan a disparu. A sa place, les marques caractéristiques du passage d’une avalanche.
Le retour sans Claude Kogan
Le 6 octobre, Dorothea et Jeanne montent enfin en direction du dernier camp pour une ultime recherche. Les deux premiers camps n’ont pas bougé. Le troisième est ravagé, elles ne trouvent guère que le corps sans vie du sherpa monté au secours de la cordée de tête. L’état du quatrième camp est sans appel, tout est enseveli. Tout espoir de retrouver leurs camarades s’envole.
Dorothea Gravina reprendra la tête de l’expédition pour les derniers jours et le retour en Europe. L’aventure se terminera ainsi, sans sommet, sans Kogan et trois autres membres du groupe. Aux traditionnelles critiques de l’opinion publique sur l’inconscience des alpinistes, s’ajouteront cette fois des relents bien machistes. Mais pourquoi ces bonnes femmes se sont-elles embringuées dans pareille aventure ?
Aller plus loin… Découvrez bien d’autres histoires d’alpinisme dans 50 ascensions à revivre en 5 minutes. Pour en savoir plus sur Claude Kogan, l’indispensable Première de Cordée, signé Charlie Buffet, aux Editions Robert Laffont.
Illustration – Claude Kogan au Cho Oyu © Micheline Rambaud – CC BY-SA 4.0