Le 31 décembre 1988, un himalayiste polonais se lance dans une ascension en solitaire sur la 4ème montagne de la planète. La première hivernale du Lhotse est au bout de ses souffrances, infligées par des blessures antérieures.
Fin août 1988, le Polonais Krzysztof Wielicki se blesse sur le Bhagirathi 2, un 6.000 du Garhwal. Non content d’avoir bien abimé son épaule, c’est sa colonne vertébrale qui est touchée. Les médecins sont alors pessimistes et lui recommandent d’arrêter l’alpinisme et d’adopter un mode de vie plus sédentaire. Wielicki a alors 38 ans. Il n’accepte pas de tirer un trait sur sa passion pour les hauts sommets. Bien au contraire.
Quelques semaines plus tard, une expédition belge le contacte, forte d’un permis népalais pour gravir l’Everest et le Lhotse en plein hiver. Difficile de résister pour les Polonais qui acceptent d’accompagner les Belges dans cette aventure hivernale. Départ en octobre pour le Népal. Il y a du monde au camp de base, notamment des Japonais et des Sud-Coréens venus pour l’Everest. Ces derniers repartiront bredouilles. Car cet hiver là, au pied de l’Everest et du Lhotse (qui partagent le même camp de base), il n’y aura qu’une seule ascension victorieuse. Qu’un seul homme au sommet…
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Une expédition belgo-polonaise au pied de l’Everest !
Aux côtés de Wielicki, on retrouve Andrzej Zawada et Leszek Cichy. Ce dernier n’est autre que le compagnon de cordée qui se tenait, 8 ans plus tôt, au sommet de l’Everest en hiver avec… Wielicki ! Dans la seconde quinzaine de décembre, les Belges se lancent dans une tentative de sommet qui vire à la catastrophe. Le 22 décembre, Rudy Van Snick, Ang Rita et Ang Lhakpa Dorje approchent du sommet Sud quand le temps vire à la tempête, à 8.700m environ. Un des sherpas chute et dégringole sur une soixantaine de mètres, comme le rapporte un des grimpeurs dans l’American Alpine Journal. Il faut des heures aux deux autres pour aider le blessé à regagner le camp. Au petit matin, Ang Lhakpa Dorje est mort, accélérant la fin de l’aventure pour les Belges. Le premier Belge sur le toit du monde, ce ne sera pas pour cette année.
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Une dernière tentative et une fin en solitaire
Les trois Polonais et la Belge Ingrid Baeyens se lancent malgré tout dans une dernière tentative. Arrivés à 6.400 mètres, cet ultime essai ressemble fort à un fiasco. Les uns après les autres, ils sont malades et ne peuvent continuer. Wielicki est le seul à se sentir en forme. Il se dit qu’une tentative en solitaire sur le Lhotse doit pouvoir se faire… Quitte à être là… Le 30 janvier, il grimpe seul jusqu’au Camp III. Les tentes sont dans un sale état mais par miracle, il parvient à dormir et se réveille en pleine forme pour la journée du 31. Sans même monter le camp IV, il continue la voie normale jusqu’au sommet, sans oxygène.
Il arrive vers 14h au point le plus haut : 8.516 mètres. Signant ainsi la première ascension hivernale du Lhotse et par la même occasion la première hivernale en solitaire sur un 8.000. Après l’Everest et le Kangchenjunga, c’était aussi le troisième sommet de 8.000 sur lequel Wielicki réalise une première hivernale.
La terrible descente de cette première hivernale au Lhotse
Comme il le dira par la suite, le pire reste à venir. Car malgré son corset, sa colonne vertébrale le fait souffrir et à la descente, elle se rappelle à son bon souvenir. Régulièrement, il s’arrête pour reposer son dos contre la pente. A un moment, il finit même par s’endormir de fatigue, une erreur qui aurait pu lui coûter bien plus cher. Mais, malgré les souffrances infligées par son dos, il parvient à rejoindre Leszek Cichy qui venait à sa rencontre depuis le Camp III. C’était gagné.
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