A une époque où la concurrence faisait rage entre les journaux, un seul d’entre eux avait envoyé un journaliste suivre l’expédition à l’Everest de 1953. Quand le sommet fut atteint, la nouvelle dût traverser le monde pour arriver dans une salle rédaction. Sans téléphone-satellite.
Le journaliste en question n’était autre que James Morris, du quotidien britannique The Times. Devenu Jan Morris et femme dans les années 70, la journaliste s’est éteinte il y a quelques jours à l’âge de 94 ans. Mais ce n’est pas sa transsexualité qui importe dans l’histoire mais bien l’ingéniosité pour parvenir à transmettre ce message de victoire. Quand le camp de base apprend qu’Hillary et Norgay sont au sommet, plusieurs priorités naissent dans la tête de Morris. Il faut transmettre la nouvelle en Europe. Mais il faut la transmettre d’urgence pour qu’elle soit connue le jour J : le jour du couronnement de la reine Elizabeth II. Et les journaux concurrents ne doivent pouvoir se saisir de l’information. Ce n’est pas une mince affaire.
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Course contre la montre pour la nouvelle de la Conquête de l’Everest
C’est en début d’après-midi le 30 mai que la nouvelle parvient au camp de base avancé où se trouve Morris. Il faut au plus vite rallier Namche Bazar, à plus de 30 kilomètres de là, pour trouver une radio. Le couronnement est prévu pour le 2 juin. Le temps presse. Morris, accompagné de Mike Westmacott descendent au camp de base de nuit. Au petit matin, un coursier file vers Namche et délivre un message à transmettre par radio. Préparé de longue date, ce dernier est codé. Le message commence par « Mauvaises conditions de neige » qui n’est autre que la confirmation de la réussite de l’expédition. Seul Arthur Hutchinson, autre correspondant du Times basé à Katmandou a la clé pour traduire ce message codé.
Reuters intercepte le message mais James Morris l’avait codé…
A Namche Bazar, un correspondant de Reuters intercepte le message mais le laisse de côté, croyant à une nouvelle peu importante. A l’Ambassade du Royaume-Uni, le résultat est tout autre. L’ambassadeur, mis dans la confidence, décrypte le message et comprend la victoire d’Hillary et Norgay. Par les canaux de communication du Foreign Office, la nouvelle arrive ensuite à Londres. Elle est transmise au Times qui modifie dans l’urgence une manchette avant de lancer l’impression. Une valise diplomatique fait également le chemin jusqu’au Palais de Buckingham. La Reine transmet ses félicitations via le Foreign Office et dans la foulée, c’est la BBC qui évoque le succès de l’ascension dans son dernier bulletin de la journée.
Le lendemain, 2 juin, toute la presse en parle et la Reine et l’Everest se partagent les unes. Et très vite la nouvelle traverse l’Atlantique, comme le montre cette Une du San Francisco Chronicle. L’Envoyé Spécial du journal Le Monde, dépêché à Londres pour le couronnement, permet également à la presse française de couvrir l’événement (lien payant). James Morris a accompli sa mission.
Illustrations © J.T.Norgay CC BY-SA 3.0