Pendant près d’une quinzaine d’années, le Sanctuaire de la Nanda Devi a été complètement fermé aux explorateurs. Il ne rouvre qu’en 1974 pour refermer ses portes quelques années plus tard, pour protéger un écosystème fragile. Aujourd’hui, sauf rares exceptions, il est impossible de l’explorer. Ce territoire de montagne, enchâssé au milieu de sommets dépassant les 6.000 mètres, est longtemps resté inaccessible, faute de point d’entrée. Ce n’est que dans les années 1930 qu’une équipe de Britanniques et de sherpas est enfin parvenue à trouver l’entrée de ce « sanctuaire ».
Ces sommets indiens ont été le théâtre d’une mission secrète, pilotée par la CIA, en pleine guerre froide. C’est le magazine Outside qui, en 1978 (Archives CIA), a commencé à révéler des informations inquiétantes sur cette aventure. Qu’en sait-on aujourd’hui ? Que s’est-il vraiment passé en 1965 sur les pentes de la Nanda Devi ?
Une mission secrète pour scruter le programme militaire chinois
Au cœur de la guerre froide, la Chine développe son programme de missile nucléaire. Un danger identifié par les Etats-Unis qui ne disposent que de peu d’informations sur le sujet. En partenariat avec l’espionnage indien, la CIA décide de monter un plan supposé permettre une meilleure surveillance de ces activités chinoises. Pour arriver à intercepter des signaux entre les bases chinoises et leurs missiles, les Américains prévoient d’installer un appareillage sur les cimes de l’Himalaya. Le plus simple est de choisir un sommet situé sur le territoire du partenaire indien. C’est ainsi qu’est choisie la Nanda Devi, plus haut sommet situé en totalité en Inde. Mais avec 7.816 mètres d’altitude, la Nanda n’est pas une promenade du dimanche. La CIA va donc embaucher quelques-uns des meilleurs grimpeurs de l’époque.
A l’époque, le magazine Outside évoque quelques 14 alpinistes américains à qui on a promis monts et merveilles pour participer à la mission. Tom Frost, Jim McCarthy, Lute Jerstad ou encore Robert Schaller sont notamment de la partie. Ils ont alors entrainés par la CIA dans un camp où l’agence entrainait ses agents anticastristes puis envoyé faire leurs armes sur les pentes du Denali, alors Mont McKinley. Une préparation qui leur permet d’arriver confiants en territoire indien à l’automne 1965.
Tempête sur la Nanda Devi…
Mais sur la Nanda Devi, l’histoire se complique. Pris dans le mauvais temps, l’expédition ne parvient pas au sommet et se voit contrainte d’abandonner son précieux appareillage militaire pour redescendre plus rapidement. Et sauver sa peau. Sauf que cette machine de quelques kilos, transportée à dos d’hommes en direction du sommet, n’était pas anodine. Pour assurer son alimentation en énergie pendant les deux années suivantes, elle était équipée d’une pile à combustible nucléaire. Laissée de côté le temps de la tempête, elle aurait été balayée par une avalanche avant que les grimpeurs ne puissent remonter. A-t-elle dégringolé quelques dizaines de mètres plus bas, au fond d’une crevasse ? Ou a-t-elle fini sa course dans la Rishi Ganga, cet affluent du Ganges, fleuve sacrée asiatique, qui abreuve des millions d’habitants ?
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Un appareil perdu, un nouveau à la place !
La mission menée pour récupérer l’appareil s’avère un échec cuisant. Les débris de l’avalanche sont impénétrables. Et la décision est finalement prise : abandonner l’appareil dans la neige en espérant qu’il y restera. Longtemps. Le Plutonium-238 contenu dans la boite métallique est dangereux pendant plusieurs centaines d’années. La discrétion est de mise et les services secrets indiens jouent alors le jeu, ne prévenant pas les autorités de New Delhi. A Washington, on continue de croire à l’idée initiale et une nouvelle expédition est lancée en 1967. Elle cible un sommet voisin. La Nanda Kot, 6.861 mètres.
Les grimpeurs américains réussissent cette mission et un appareil de communication est alors installé à environ 6.400 mètres, pointant en direction de la Chine. La joie est de courte durée puisque l’hiver suivant, la neige enseveli le dispositif, contraignant les Américains à mettre sur pied une nouvelle mission. Pour désensevelir l’appareil. Appareil qui n’allait pas tarder à être récupérer. Entre temps, les Etats-Unis avaient lancé leurs premiers satellites espions, capables de faire aussi bien que les émetteurs sur les montagnes, et bien plus.
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Introuvable mais peut-être toujours dangereux…
Les révélations de 1978 occasionnent une tempête diplomatique entre Washington et New Delhi. Le Parlement demande des comptes. Mais les recherches lancées pour retrouver l’appareil ne donnent rien. Un des Indiens participant à la mission a récemment déclaré que « le tictac des capsules de plutonium » est toujours une réalité au milieu des montagnes. Une vraie bombe à retardement, le métal qui protège le combustible pouvant vieillir et libérer sa charge létale. Dans un livre paru en 2004, la théorie du complot bat même son plein. L’auteur Hugh Thomson raconte que l’appareil aurait simplement été récupéré par les Indiens. Son contenu aurait utilement alimenté le programme de recherche nucléaire du sous-continent. Les témoins de cette époque ne sont plus très nombreux. Plusieurs alpinistes américains de l’époque sont décédés ou dépassent allègrement les 80 ans !
En attendant, un film hollywoodien serait sur le point d’être tourné. A suivre…
Illustrations © Harshit SR CC BY-SA 4.0
Du plutonium sur les sommets himalayens, ou comment profaner la beauté de la nature et du temps dans sa plus pure expression…
Les alpinistes qui ont participés à ces expéditions devaient être totalement inconscient.