25 avril 1990, le Slovène Tomo Cesen revient victorieux au camp de base du Lhotse. Il a vaincu l’immense face sud de ce colosse himalayen, en solitaire. Une première qui impressionne la communauté des alpinistes. Mais très vite, des doutes se font jour.
Une ascension éclair pendant la première fenêtre météo
Arrivé le 15 avril au camp de base, Tomo Cesen se prépare à grande vitesse pour sa grande ascension. Pour s’acclimater à l’altitude, il grimpe jusqu’à 7.200 mètres sur le Lhotse Shar, à plusieurs reprises. Le 22 avril, il se met en route en pleine nuit et suit pendant près de 15 heures la voie choisie en 1981 par une expédition yougoslave. Un premier bivouac à 7.500 mètres puis il attend l’après-midi suivant que l’ombre revienne sur le mur, stoppant les chutes de pierres. Il repart vers le haut pour s’arrêter quelques heures plus tard à 8.200 mètres pour un second bivouac.
En savoir plus : Le Lhotse est un des 14 sommets de plus de 8.000 mètres que compte la planète. Il culmine à 8.516 mètres d’altitude et se situe sur la frontière entre Chine (Tibet) et Népal. A deux pas de l’Everest. Sa première ascension date de 1956, une cordée suisse.
Au petit matin, il se remet en route pour ce qu’il décrira plus tard comme la section la plus dure du parcours. A 14h20 le 24 avril, il est arrivé au sommet. Il prend contact avec le camp de base. Son équipe, gênée par les nuages, ne peut le voir au sommet. Il attaque la descente et s’abrite à 7.300 mètres pour son troisième bivouac. Dès que le temps se dégage, en pleine nuit, il se remet en marche pour achever sa descente. Il est accueilli au camp de base à 8h le 25 avril.
Lire aussi : Le compte-rendu de l’ascension par Tomo Cesen lui-même dans l’American Alpine Journal (en anglais)
Polémiques autour de Tomo Cesen, jalousies et commérages !
Avec cette face Sud du Lhotse, le cordiste devenu alpiniste professionnel continue de s’illustrer. On a déjà parlé de lui pour sa trilogie des faces nord des Alpes en solitaire. Son ascension de la face nord du Jannu. La face Sud du K2 (qui porte encore son nom). Et maintenant la face sud du Lhotse. Des réalisations impressionnantes et un point commun qui commence à susciter commérages et jalousies : toutes ces ascensions ont été réalisées sans véritables preuves. De fragiles preuves ou pas de preuves du tout. Mettant ces polémiques sur le compte de la jalousie, Cesen préfère prendre de la distance. Qu’importe si les autres le croient ou pas, il sait ce qu’il a fait. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
Car en novembre de cette même année, une expédition russe s’attaque à son tour à cette face Sud. Deux mois de travail acharné dans cette face pour arriver, avec un peu d’oxygène en bouteille, au sommet. Les Russes affirment qu’ils ont été les premiers à vaincre cette face. Ils pensent que Cesen a menti et qu’il n’a pas pu gravir seul cette face, notamment la fin. Pire les Russes questionnent la seule preuve apportée par Cesen. Sa photo du sommet. Le paysage qu’elle présente ne serait pas visible depuis le sommet du Lhotse.
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Le doute subsistera !
La polémique se calme un peu, notamment grâce au soutien de certains grimpeurs reconnus, comme le Français Pierre Béghin. Jusqu’à l’été 1992 où Cesen donne une conférence sur le Lhotse à l’invitation de la légende Reinhold Messner. Ce dernier note des incohérences dans l’ascension telle que racontée par le Slovène et renonce à lui attribuer un prix sacrant ses réalisations. Pire, dans le film projeté lors de la conférence, on peut voir Cesen arriver au camp de base, dans un état de fraîcheur trop manifeste pour être honnête. Un homme qui revient d’un tel exploit peut-il être dans un pareil état ? Messner passe alors du camp des supporters à celui des détracteurs.
Quelques mois plus tard, un autre alpiniste – Viktor Groselj – découvre que certaines des photos utilisées par Cesen sont les siennes, prises lors de la tentative de 1981. La controverse surgit à nouveau et déchire la communauté alpinistique. Certains soutiennent alors Cesen, à l’image des Américains Wally Berg et Scott Fisher. D’autres sont très critiques, comme le Français Ivano Ghirardini.
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Encore aujourd’hui, personne n’a la preuve que Tomo Cesen est arrivé au sommet du Lhotse par cette fameuse face Sud. Dans le même temps, personne n’est capable de démontrer qu’il n’y est pas arrivé. Le doute est encore permis sur nombre d’autres ascensions revendiquées par le Slovène. Dans l’Himalayan Database, source sérieuse qui répertorie les expéditions sur les sommets népalais, l’ascension de Tomo Cesen est notée comme « contestée ».
Illustrations Face Sud du Lhotse (à l’arrière-plan, l’Everest) © Google Earth – CNES 2020, Airbus, Maxar technologies, Landsat.