Né en Russie quelques mois après la conquête du toit de l’Europe, Joseph Hamel est un éminent membre de l’Académie de Médecine, nommé par Alexandre Ier. Il correspond régulièrement avec des proches d’Horace Benedict de Saussure et se met en tête d’aller conduire toute une série d’expériences dans le massif du Mont Blanc.
En 1819, Joseph Zumstein, venu du Val d’Aoste, fait l’ascension du Mont Rose, en Suisse. Il décrète que ce sommet est manifestement plus haut que le Mont Blanc, réduisant à néant l’exploit réalisé par Saussure quelques décennies plus tôt. Alors quand Hamel réfléchit à grimper à son tour au sommet du Mont Blanc pour y réaliser des mesures, les scientifiques genevois l’y encouragent. Occasion pour eux d’accompagner la production de nouvelles preuves quant à leur conquête du « véritable » sommet le plus haut des Alpes quelques décennies auparavant.
En 1820, Joseph Hamel arrive donc dans les Alpes où il réalise une première tentative au départ de Saint Gervais. Epaulé par une petite équipe de guides, il parvient au Dôme du Goûter mais redescend, exténué, persuadé qu’il n’aura jamais la force de parvenir au sommet. Pour autant, il n’abandonne pas son projet. Il trouve plutôt des partenaires, enrôlant deux autres scientifiques motivés par les écrits de Saussure. Bourdet apporte sa contribution en géologie et minéralogie et Selligue en physique. Hamel compte bien se focaliser sur sa partie : la physiologie. Le 16 août, un groupe de guides chamoniards embauchés pour l’occasion se met en branle en direction du Mont Blanc, avec eux Selligue et Hamel. Bourdet manque à l’appel, il a été retenu à Genève et arrive à Chamonix avec quelques jours de retard.
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Ce dernier trouve deux guides qui veulent bien l’accompagner pour rejoindre le reste du groupe. En montant le 20 août, il croise Selligue qui jette l’éponge. Le physicien redescend, malade, pendant que le reste de la troupe reprend sa montée, après plusieurs jours d’attente à cause du mauvais temps. Pas moins d’une douzaine de guides a été sollicitée pour acheminer vers le sommet le Docteur Hamel et son matériel. De quoi mesurer la teneur de l’air en gaz carbonique, un réchaud pour expérimenter la cuisson en altitude, un appareil photo, une machine pour mesurer le taux d’humidité ou la température. Une bonne partie de cet équipement a d’ailleurs été fourni par les proches de Saussure.
Le temps n’est pas favorable mais qu’à cela ne tienne, Hamel ne patiente plus. Le guide-chef, Joseph-Marie Couttet, annonce à son client qu’il est impossible de continuer et qu’il faut redescendre. Hamel ne l’entend pas de cette oreille. Il exige que l’on continue. A l’époque, un client est un client, difficile de s’y opposer. La caravane se remet alors en route. Quittant un campement de fortune installé sur un petit plateau aux Grands Mulets.
Les guides ouvrent alors la voie, laissant les clients à l’arrière. Au-dessus du Grand Plateau, la neige accumulée les deux derniers jours fait preuve d’une tragique instabilité. Elle semble dure mais ce ne sont que quelques centimètres de surface, au-dessous la couche n’est pas fixée. Les Chamoniards sentaient bien qu’il ne fallait pas monter. La neige se met à glisser, les guides avec, les clients aussi. L’avalanche les amène une centaine de mètres plus bas dans une zone très crevassée. Mathieu Balmat, un des guides, est le seul à avoir résisté au passage de la coulée. Un temps, il pense être le seul rescapé de ce terrible événement. Mais les clients sont restés en surface et se relèvent assez vite. Les autres ont disparu dans des crevasses.
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Quelques guides arrivent à ressortir par leurs propres moyens, à commencer par Couttet, mais tous n’ont pas cette chance. Trois d’entre eux sont ensevelis sous une cinquantaine de mètres de neige accumulée suite à l’avalanche. Plusieurs heures durant, le guide-chef va sonder la neige pour tenter de retrouver ses amis. En vain. Au bout du compte, il se tourne vers le Docteur Hamel et lui demande si après ce qui vient de se passer il souhaite toujours continuer vers le sommet.
Le client demande alors à redescendre jusqu’à Chamonix. Ils y parviennent en début de nuit, après avoir croisé Bourdet qui montait à leur rencontre. Pierre Carrier, Pierre Balmat et Auguste Tairraz ne sont jamais revenus de cette course, la crevasse les a gardés pour elle. C’est le premier accident mortel sur une voie d’ascension au Mont Blanc. Le lendemain, Hamel est envolé, rentré à Genève. Il ne reviendra jamais plus à Chamonix, du reste il n’y eut pas été le bienvenu.
Les difficultés rencontrées par les guides pour faire entendre raison à leur client étaient l’une des causes de cet accident. Les Chamoniards décideront alors de s’organiser pour que les guides soient plus forts, et leurs familles mieux protégées en cas d‘accident. C’est ainsi que le conseil municipal de Chamonix entérinera en juillet de l’année suivante la création de la Compagnie des Guides de Chamonix. Elle sera alors la première compagnie de guides au monde. Le Val d’Aoste atteindra presque 30 ans de plus pour mettre sur pied la Société des Guides Alpins de Courmayeur.
Quarante ans après l’accident, le glacier des Bossons commencera à restituer les premiers vestiges de cette catastrophe.
Ce texte est extrait de 50 ascensions à revivre en 5 minutes !
Illustration © DR
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