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1862 : tentative d’ascension de la Barre des Ecrins, Mathews, Bonney et les frères Croz

Dans son ouvrage « Escalades dans les Alpes de 1860 à 1869 », Edward Whymper raconte sa propre ascension de la Barre des Écrins. Une première historique. Il raconte aussi la tentative précédente, signée des guides Croz et de Mathews et Bonney. Un demi-tour si près du but, avec un risque d’avalanche non négligeable. Si on ne présente plus les frères Croz, émérites guides de Chamonix, qui sont Mathews et Bonney ?

Williams Mathews est un des fondateurs de l’Alpine Club britannique. Il participe notamment aux premières ascensions de la Grande Casse (France), du Mont Viso (Italie) ou du Castor (Suisse-Italie). Bonney est géologue, un temps président de l’Alpine Club et de la Société Géologique de Londres. Un glacier et un sommet de Colombie Britannique portent son nom.

<< Ces deux touristes, accompagnés des deux Croz, essayèrent d’escalader les Ecrins peu de semaines après que M. Tuckett eut examiné cette montagne. « Le 26 août, dit M. Bonney, nous montions avec ardeur, et nos espérances de succès devenaient de plus en plus vives ; le prudent Michel lui-même se permit de crier « Ah ! Malheureux Ecrins, vous serez bientôt morts » au moment où nous attaquions la dernière pente qui conduisait au pied du cône terminal. Mais le vieux proverbe « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir jetée par terre… » devait encore se trouver justifié dans cette occasion.

Arrivés au sommet de la pente, nous nous vîmes brusquement séparés du pic par une formidable bergschrund [NDLR : Rimaye – espace entre le glacier et le rocher] que traversait le plus fragile des ponts de neige. Nous regardions à droite et à gauche, pour voir si nous pourrions atteindre l’une ou l’autre des arêtes qui en dominaient les extrémités ; mais, au lieu de surgir directement de la neige comme on aurait pu le croire en les voyant d’en bas, ces arêtes se terminaient par une muraille de rochers haute de près de 12 mètres.

La bergschrund ne présentait qu’un seul endroit assez étroit pour qu’on pût la traverser, et il fallait ensuite escalader une paroi de glace puis tailler des degrés dans une pente de neige fort raide avant d’atteindre l’arête. Enfin, après avoir cherché en vain un passage pendant quelques temps, Michel nous dit de l’attendre, et il alla seul explorer la brèche qui sépare le pic le plus élevé du dôme de neige situé à droite, afin de voir s’il était possible d’escalader la muraille rocheuse. Il reparut presque aussitôt sur les rochers qu’il gravissait évidemment avec peine, et il atteignit enfin l’arête. Cette fois encore nous crûmes la partie gagnée, et nous nous élançâmes à sa suite.

Ecouter aussi : Michel Croz, Edward Whymper : le Cervin, 1865

Tout à coup, il nous cria de faire halte, et se mit à redescendre. Bientôt il s’arrêta. Après une longue pause, il cria à son frère qu’il lui était impossible de redescendre par le même chemin. Jean était visiblement inquiet, et pendant quelques temps nous le suivîmes des yeux avec anxiété. A la fin, Michel tailla des degrés dans la neige sur le versant du pic qui nous faisait face. A ce moment, Jean nous quitta, et, se dirigeant vers la paroi de glace dont j’ai parlé, il se mit à y tailler des pas ; en un quart d’heure de travail, il parvint à s’y hisser je ne sais comment, puis il tailla de nouveaux degrés pour aller rejoindre son frère. Presque tous ces degrés paraissaient taillés à travers une croûte de neige dans la glace dure qu’elle recouvrait, et un petit torrent de neige commença à descendre en sifflant le long des flancs du pic pendant qu’ils l’entaillaient avec leurs haches. Michel n’était guère à plus de 100 mètres de nous et il s’écoula trois grands quarts d’heure avant que les deux frères se fussent rejoints. Quand ils furent réunis, ils descendirent avec précaution, enfonçant profondément leur hache dans la neige à chaque pas.

Michel nous raconta alors qu’il avait atteint l’arête avec beaucoup de peine, et constaté qu’elle était praticable jusqu’à une certaine distance et en réalité aussi loin que sa vue s’étendait ; mais, ajouta-t-il, la neige était très dangereuse, car elle n’avait aucune consistance et reposait sur de la glace très dure ; quand il avait commencé à descendre afin de nous prévenir, il trouva la surface des rochers tellement polie et glissante que le retour n’était pas possible ; pendant quelques temps même il courut un véritable danger. Nous aurions donc pu atteindre l’arête par le chemin qu’avaient suivi nos guides pour redescendre ; mais évidemment, dans leur opinion, toute nouvelle tentative était impossible ; aussi n’insistâmes-nous pas. Nous les connaissions trop bien pour ne pas être sûrs qu’ils ne reculeraient que devant un danger réel ; aussi donnâmes-nous le signal de la retraite » >>

La Barre des Écrins culmine à 4.102 mètres. Elle a été gravie pour la première fois en juin 1864.

Illustration © DR

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Arnaud P

Passionné par l'univers de la montagne sous tous ses aspects, Arnaud est membre de la rédaction d'Altitude.News ! Originaire du sud de la France, ça ne l'a pas empêché de s'installer un temps en Savoie ! Il écrit des articles dans les catégories : Alpinisme, Rando/Trek, Business et Nature. Pour le contacter directement : arnaud@altitude.news !

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