Début 1995, Alison et sa famille déménagent. Avec son mari Jim et ses deux enfants, Kate et Tom, elle choisit de s’installer près du massif du Ben Nevis où elle pourra s’entraîner à loisir. Car Alison est une grimpeuse émérite et il n’y a pas beaucoup d’endroits au Royaume-Uni où l’on puisse trouver des conditions si alpines. Elle est au tournant de sa carrière à seulement 33 ans. Quelques mois plus tôt, elle s’est lancé un défi à la hauteur de son talent d’alpiniste. Être la première femme à gravir les trois plus hauts sommets de la planète, en solitaire et sans oxygène supplémentaire.
Une femme critiquée…
Jusqu’alors, ses ascensions s’étaient faites en toute discrétion. Mais à l’annonce de son projet, Hargreaves doit faire face à de nombreuses critiques. Comment une mère peut-elle prendre de tels risques alors que ses enfants l’attendent sagement à la maison ? Des critiques rarement formulées à l’égard d’alpinistes hommes. Les plus intolérants lui reprochent notamment son ascension de l’Eiger en 1988 alors qu’elle était enceinte de 6 mois. Elle n’hésitera pas à leur répliquer qu’elle était enceinte, et pas malade.
Victoire historique sur l’Everest
Sa première tentative à l’Everest se solde par un demi-tour. Mais au printemps 1995, elle entre dans l’histoire de l’alpinisme en devenant la première femme sur le toit du monde. Sans aide et sans oxygène. À cette époque, seul Reinhold Messner avait réussi pareil défi.
Forte de ce succès, elle décide d’enchaîner l’été de la même année par une expedition au K2. Seconde montagne de la planète. En juin, elle rejoint une équipe américaine mais la météo de l’été 1995 au Pakistan est mauvaise. Après plusieurs semaines sur place, la plupart des membres de l’expédition préfèrent abandonner. Seuls deux d’entre eux restent au camp de base, Alison Hargreaves et Rob Slater. Ils se joignent à d’autres expéditions.
Soleil au sommet
Le 12 août, Alison et Rob sont sous la tente du Camp 4 à 7.600m. Avec eux, trois Espagnols, deux Neo-Zelandais et un Canadien. Un des Neo-Zelandais est Peter Hillary, le fils d’Edmund premier homme au sommet de l’Everest. La météo est incertaine mais le sommet est si proche. Faut-il jouer la prudence ou prendre le risque ? Une douzaine d’heures séparent le Camp 4 du sommet. Le 13 août alors que le jour n’est pas encore levé, les 8 alpinistes partent vers le sommet. Le temps se révèle acceptable jusqu’à l’arrivée à un passage délicat baptisé Bottleneck. C’est là qu’Hillary préfère abandonner et repartir vers le Camp de base. Un autre membre de l’équipe, le Canadien Jeff Lakes, finit par faire demi-tour quelques heures plus tard. Entre temps, la météo a empiré. La neige et le vent ont redoublé. Le groupe arrive cependant au sommet en fin d’après-midi. Dans une rapide communication radio avec le Camp 4, ils parlent d’un temps splendide. Le sommet est manifestement au-dessus de ce qui va se révéler être une véritable tempête.
Drame à la descente
Des vents frôlant les 200 km/h, une neige drue, les alpinistes entament la descente en enfer. En moins d’une heure, le mauvais temps empire. Les tentes du Camp 4 sont soufflées. L’histoire raconte que depuis le Camp de base, une paire de jumelles permettait de voir les corps des alpinistes voltiger dans les airs. Hillary s’en tire mais Lakes qui avaient fait demi-tour plus tard mène un combat trop inégal. Il parvient au camp 2 mais rend son dernier souffle quelques minutes après qu’il s’est écroulé dans sa tente. Les autres grimpeurs, qui profitaient du soleil du sommet, ont disparu. Ils ont été littéralement arrachés de la paroi par le vent. Six alpinistes dont les corps restent introuvables.
Tom Ballard, le fils d’Alison, est devenu alpiniste. À son tour, il a goûté aux sommets himalayens. En février dernier, il est mort lors d’une expédition hivernale au Nanga Parbat. Retrouvez Alison Hargreaves et bien d’autres dans le film Les dames du K2.
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