Paru en 1902, « Climbing on The Himalaya and other mountain ranges » est l’œuvre de John Norman Collie. Cet alpiniste et scientifique britannique était un des camarades de Albert Frederick Mummery. Il a grimpé dans les Alpes, le Caucase mais aussi l’Himalaya ou les Rocheuses. Dans cet ouvrage, il raconte notamment l’expédition au Nanga Parbat, qui allait coûter la vie à Mummery et deux Gurkhas. En voici un extrait…
Chapitre VII – Tentative d’ascension au Nanga Parbat
<< (…) Cette nuit-là, j’étais de retour au camp de base et je trouvais un message de Hastings, envoyé depuis Lubar avec un berger et un coolie ; et le jour suivant Hastings en personne arriva avec quantité de provisions. Il avait dû aller jusqu’à Astor, et nous expliqua que sans l’aide précieuse de Goman Singh, il n’aurait jamais réussi à faire traverser le Col Mazeno aux coolies. Plus tard ce soir-là, Mummery et Ragobir arrivèrent au camp. Ils venaient de passer une deuxième nuit au sommet de l’arête rocheuse. Le lendemain, bien avant le lever du jour, ils avaient poussé jusqu’au ressaut final pour apercevoir le champ de neige au-delà. L’escalade, admit Mummery, était très difficile. Mais plus ils montaient, plus c’était facile. Finalement, à une altitude d’environ 6.100 mètres, il put voir le Col du Nanga Parbat sur sa droite. Mais Ragobir tomba malade, c’était donc pure folie que de passer une autre nuit à cette altitude. A contrecœur, il fit demi-tour. Sa déception était grande, il pensait toutes les difficultés derrière eux, et il était assez confiant quant à sa capacité à atteindre le sommet le jour suivant, s’il avait pu dormir une nouvelle nuit en altitude.
Ainsi se terminait la seule tentative de Mummery en direction du sommet du Nanga Parbat. Définitivement une de ses plus belles courses en montagne. Je le tiens de ma propre expérience et des descriptions faites par Mummery : il s’agissait d’une escalade magnifique cernée par un monde de glace comme on en rencontre que sur les sommets avec 4.500 mètres enneigés. Mais l’échelle de cette entreprise était bien trop grande pour de simples mortels. Les difficultés commençaient juste au bout du glacier, quelques 3.600 mètres sous le sommet. Et si les 1.800 derniers mètres semblent ne présenter aucun danger, grimper à plus de 6.000 mètres se fait à faible vitesse, et impossible d’y tailler des marches.
Les deux jours suivants, nous discutâmes de ce que nous allions faire par la suite. Mummery arrivait à la triste conclusion que son itinéraire vers le sommet via le glacier du Diamir devait être abandonné. Finalement, il faut admis – au vu des récentes chutes de neige – que seule une voie en neige pourrait nous donner quelques options de succès. Notre dernière chance était donc de trouver une telle voie. Sur le versant du Rakhiot, le Nanga Parbat était peut-être moins abrupt, nous nous décidâmes donc à prendre cette direction.
Quand Mummery et Ragobir étaient descendus de la montagne, ils n’avaient pas rapporté les sacs à dos de leur campement de la seconde nuit. Ils étaient trop précieux pour être abandonnés. Mummery, qui pressentait l’interminable montée dans les éboulis avec les coolies, suggéra que les deux Gurkhas soient envoyés tôt le lendemain matin pour récupérer les sacs et les descendre au camp en bordure du glacier du Diamir. Plus tard dans la journée, Mummery les rejoindrait pour grimper en direction du Glacier Diama, entre le Nanga Parbat et le Ganalo Peak, 6.600 mètres. Un col enneigé (le col Diama) les séparerait alors du Rakhiot. Il partit le 23 en prenant avec lui Lor Khan et Rosamir, notre chef coolie, pour transporter des provisions supplémentaires en altitude. En fin de journée, ils furent rejoints par Ragobir et Goman Singh, qui étaient parvenus à descendre les sacs à dos.
Le lendemain matin, le 24 août, Lor Khan et Rosamir, les ayant vus partir vers la Vallée Diama, prirent le chemin du retour et nous rejoignirent plus tard. Mummery, Ragobir et Goman Singh n’ont jamais été revus. >>
Cette expédition était la première de l’histoire à tenter l’ascension du Nanga Parbat, la première à tenter de gravir un 8.000. Il semble que ce soit une avalanche qui ait emporté les trois hommes. Leurs corps n’ont jamais été retrouvés. Il faudra attendre 1953, presque 60 ans plus tard, et l’épopée solitaire d’Hermann Buhl pour que le Nanga Parbat soit enfin conquis.
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Illustration Disparition Mummery – Nanga Parbat © DR