Au printemps 2008, une expédition tentait sa chance sur l’arête Est de l’Annapurna. Un itinéraire très sérieux mais certainement à la hauteur des trois membres du groupe. Iñaki Ochoa, 40 ans et originaire de Pampelune, est le plus expérimenté des trois. Il a plus de 30 expéditions himalayennes à son actif et a déjà gravi 12 sommets de plus de 8.000 mètres. Il compte bien grimper sur les deux derniers de la liste. C’est bien le 13ème qu’il cherche à atteindre ce printemps-là sur l’Annapurna. A ses côtés : Horia Colibasanu, roumain et Alexei Bolotov, russe. Ce dernier, membre d’une expédition russe, s’est joint aux deux autres pour une tentative au sommet.
Aux alentours de 7.850 mètres, Colibasanu et Ochoa font demi-tour. Bolotov continue. Une histoire de corde manquante qui convainc une partie du groupe d’abandonner. Quand ils arrivent dans la tente du Camp 4, Ochoa est malade. Accident vasculaire cérébral, il est immobilisé. Paralysé. Ses doigts déjà passablement gelés sont figés et l’œdème. Sans hésiter, Colibasanu empoigne son téléphone satellite. Il appelle les proches d’Ochoa qui vont coordonner les secours. En quelques heures, plusieurs grimpeurs sont sollicités. Quelques-uns des plus talentueux alpinistes du moment sont à proximité de l’Annapurna, ils vont vite se diriger vers la paroi en question. Mais ce n’est pas une mince affaire, le duo est bloqué à près de 7.400 mètres d’altitude.
Les alpinistes sont nombreux à se porter volontaires…
Le 19 mai, les premiers à se lancer au secours d’Ochoa sont Ueli Steck et Simon Anthamatten, alors même qu’ils n’ont pas leurs chaudes chaussures de haute altitude. Dans le même temps, Bolotov redescend du sommet mais il n’est pas en forme, un début d’œdème. S’il reste à cette altitude, son état va empirer. Très vite, il ne sera plus à même d’avancer par ses propres moyens. Alors il s’engage dans la descente. Il croise Steck et Anthamatten au Camp 3. Il échange ses chaussures avec Steck, à la faveur d’une taille commune !
Au même moment, un hélicoptère affrété par l’expédition russe de Bolotov a récupéré Don Bowie et Denis Urubko, tous les deux présents dans la région. Déposé sous les 4.000 mètres à cause des nuages, ils accélèrent le rythme pour se rapprocher au plus vite du Camp 4. Ils transportent de l’oxygène qui, espèrent-ils, pourra aider Ochoa. Ce dernier est en mauvaise posture mais après plusieurs jours passés à plus de 7.000m, Horia Colibasanu est lui aussi en danger de mort. Steck repart seul du Camp 3, son compagnon montrant de sérieux signes du mal des montagnes. Colibasanu vient à sa rencontre et est convaincu par le suisse de continuer à descendre.
Fin tragique à 7.400 mètres
Arrivé au Camp 4 le 22 mai dans l’après-midi, Steck découvre Ochoa. Sur les conseils d’un médecin spécialiste contacté par téléphone, le Suisse réalise une injection de Dexamethasone mais rien n’y fait. Incapable de s’hydrater, l’espagnol ne cesse de vomir. Une deuxième injection n’aura pas plus d’effet. Le 23 mai, alors qu’un hélicoptère récupère Anthamatten et Colibasanu au Camp 2, Ochoa meurt dans les bras de Steck. Les prévisions météos sont alarmantes, c’est désormais Steck qui est en danger. Bolotov s’était joint à Bowie et Urubko pour remonter vers le Camp 4 mais seul le Kazakh (Urubko) continue au-delà du Camp 3 pour aller aider Steck, les autres sont épuisés. Il s’extrait de la tente le lendemain matin, malgré le mauvais temps et la neige qui a effacé les traces de la montée. Le Suisse avance péniblement pendant plusieurs heures avant d’entendre les voix d’Urubko et Bowie qui montent vers lui.
Le 24 mai, tous les grimpeurs étaient au camp de base. Un seul manquait à l’appel, Iñaki Ochoa.
Illustration © Lev Yakupov