Les manifestations autour du projet du Lyon-Turin ont récemment défrayé la chronique. Nul ne sait avec certitude si ce tunnel verra le jour mais le projet met un coup de projecteur sur le trafic ferroviaire alpin et en particulier dans la vallée de la Maurienne (Savoie). La ligne actuelle ne date pas d’hier, le tunnel actuel non plus. C’est le premier du genre à avoir été mis en service dans les Alpes, en 1871. Quelques décennies plus tard, la vallée de la Maurienne était le théâtre de la plus grande catastrophe ferroviaire de notre pays. Largement oubliée, elle a eu lieu en décembre 1917 à l’heure où l’on commençait à entrevoir la fin du premier conflit mondial.
Dernier trimestre 1917, l’armée italienne est en déroute sur son propre territoire. Un contingent franco-britannique de plusieurs dizaines de milliers d’hommes arrive alors en Italie du Nord pour stabiliser la situation. Quelques semaines plus tard, la pression sur le front s’apaisant, on organise des permissions. Pour rapatrier les soldats permissionnaires en France, rien de plus efficace que le train. Le 11 décembre, quelque 1.000 soldats français embarquent dans un train dans la province de Vicence. Bien contents de pouvoir fêter Noël en famille. Le train est vite divisé en deux pour grimper vers le Tunnel du Fréjus. Une fois la montée terminée et le tunnel traversé, les deux trains sont à nouveau assemblés en gare de Modane. Il est alors temps de continuer le trajet, majoritairement en descente.
Le train de permissionnaires entame la descente
En milieu de soirée, quelques minutes après son départ, le train prend de la vitesse. Plusieurs passages sont limités de 25 à 45 km/h, mais la machine s’emballe et les 120 km/h sont atteints. Avec son poids, peut-être son surpoids, et compte tenu de la pente, la vitesse rend très vite le convoi incontrôlable. Les freins d’y peuvent rien. Le train déraille 14 kilomètres en aval de Modane, avant d’arriver à Saint Michel de Maurienne. Il s’encastre en grande partie dans un mur de soutènement. Quelques minutes après le déraillement, un incendie se déclenche et les voitures en bois sont consumées.
La censure l’emporte
A l’époque, la censure militaire est quasi-totale, personne ou presque n’entend parler de cette catastrophe et seule une version édulcorée se retrouve dans la presse. Il faut attendre près d’un siècle avant d’avoir accès aux archives et à un bilan sérieux. 435 morts, près de 200 blessés, probablement plusieurs centaines de rescapés. Le bilan est peut-être bien plus lourd, difficile d’avoir des certitudes sur les archives militaires d’époque. Le déraillement de ce train en 1917 est en tous cas la plus grande catastrophe ferroviaire française, une des plus importantes au monde.
Pour en savoir plus sur cette catastrophe : Le tragique destin d’un train de permissionnaires : Maurienne, 12 décembre 1917, d’André Pallatier, aux Editions L’Harmattan.
Illustration – débris de l’accident © DR