Fin janvier 1959, un groupe de randonneurs s’aventure dans le sauvage massif de l’Oural. Au cœur de l’Union Soviétique d’alors, l’histoire se déroule à proximité du Mont Otorten et sur les pentes du Kholat Syakhl, comprendre en dialecte local : « la montagne des morts ». Tout un programme. L’altitude de la région est modérée mais les conditions climatiques peuvent s’y apparenter à de la haute montagne. Ils sont dix, âgés de 20 à 38 ans. On compte deux femmes dans leurs rangs : Zinaïda et Lioudmila. Un certain Igor mène le groupe. Igor Dyatlov.
Une excursion en ski dans l’hiver de l’Oural
Arrivés en train jusqu’à la bourgade d’Ivdel, ils continuent leur trajet en camion jusqu’à la fin de la route. Et puis, c’est le début de l’expédition en direction du Mont Otorten, à ski. Très vite, Iouri, un des participants, renonce. Sa sciatique le fait trop souffrir. Il ne sait pas encore mais cette décision vient de lui sauver la vie.
La nuit du 1er au 2 février, les 9 randonneurs restants montent la tente. Une mauvaise orientation ou une faible visibilité les a égarés de l’itinéraire. Leur tente est donc installée à la hâte, dans une pente. Le but est certainement de repartir dès le lendemain. Hélas, il n’y aura pas de lendemain. Trois semaines plus tard, les secours alertés par l’absence de nouvelles du groupe retrouvent la tente. Tous les randonneurs sont morts. Les premières constatations font froid dans le dos. La tente est éventrée. Les secours y retrouvent les vêtements et bottes des victimes. Elles ont toutes quitté la tente, visiblement en urgence.
Faute de vêtements chauds et de chaussures, la plupart semblent mortes d’hypothermie, dispersées à quelques centaines de mètres de la tente. La toile de tente, déchirée de l’intérieur, flotte dans le vent. Des blessures très étranges sont retrouvées sur certaines victimes : un crane fracturé, côtes brisées, une langue arrachée, des yeux disparus, des sourcils envolés… Certains corps seront retrouvés plusieurs mois plus tard. Qu’a-t-il pu se produire cette nuit-là dans cette région désertique de l’Oural ? Depuis 1959, les spéculations ont été nombreuses.
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Des dizaines de théories, de plus en plus farfelues…
Des nomades Mansi vivants dans la région sont très vite interrogés. Dans leurs légendes ancestrales, neuf membres de leur communauté seraient morts sur les pentes du Kholat Syakhl. Mobile suffisant pour tenter de perpétrer un tel carnage ? Très vite, cette piste est écartée. Les fractures les plus sérieuses ne peuvent avoir été causées par des humains. Elles correspondent plutôt à la violence d’un accident de voiture…
Peut-être une avalanche ? Surpris par la neige, les randonneurs auraient quitté précipitamment leur tente. Pourtant, la zone n’est pas du tout propice aux avalanches et le terrain ne montre alors aucun signe du passage d’une coulée.
Ou alors, des exercices militaires secrets ? Réveillés en pleine nuit par des explosions, pris de panique, ils auraient fui ; certains chutant d’un ravin – d’où les blessures violentes.
Des attaques d’animaux sauvages ? Une violente dispute entre eux ?
Une enquête expéditive
L’enquête s’arrête en mai 1959, quelques jours après la découverte des derniers corps. La conclusion est saisissante : ils sont morts d’une « force irrésistible inconnue ». Une investigation expéditive qui suscite encore de nombreuses questions.
Soixante ans après les faits, les autorités ont accepté de rouvrir l’enquête. On ne sait toujours pas ce qui s’est réellement passé dans cette région reculée de l’Oural. En attendant, le Col le plus proche des lieux du drame porte désormais le nom du responsable de l’expédition. Dyatlov.
En savoir plus : Col Dyatlov par Anna Matveeva (en russe), Le Mystère Dyatlov (en français).
Illustration Stèles des victimes du Col Dyatlov © DR
J’ai sérieusement (et longuement) étudié le drame de ce groupe homogène, remarquablement entraîné, qui n’a rencontré aucune difficulté imprévue ou exceptionnelle.
Aussi je m’inscris en faux contre la propagande insidieuse qui consiste à évoquer faussement une mauvaise orientation, une tente installée à la hâte ou autre panique incompatible avec la solidité psychologique de chacun des 9 participants.
Les principaux documents disponibles, certes insuffisants pour aboutir à une certitude, mais cohérents entre eux, ont été regroupés par Teodora Hadjiyska sur le site Internet :
https://dyatlovpass.com
….. et sur son forum international en langue anglaise (qui en voulant tenir compte de presque toutes les « théories » ou hypothèses explicatives est long à exploiter utilement).
https://forum.dyatlovpass.com/
Personnellement je pense que la solution est correctement exposée, du moins dans ses grandes lignes, par Aleks Kandr sur son site (malheureusement) en russe (Merci « https://translate.yandex.com/ »😉
http://mystery12home.ru/t-ub-gr-dyatlova
••• C’est un action terroriste commandité par un ou plusieurs hauts dirigeants ou commandants des nombreux camps du Goulags de la région d’Ivdel.
Ce ou ces commandants staliniens, qui étaient puissants à l’échelle régionale de l’oblast, étaient naturellement violemment opposé à la politique de démantèlement du Goulag ordonné par Krouchtchev à partir de 1953 (démantèlement difficile qui perdura jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Brejnev en 1964).
(Sur les troubles intérieurs sociétaux de l’URSS provoqués par les libérations massive des zeks pendant le Dégel(1953-1964), voir, par exemple, en langue française, les historiens Nicolas Werth et Marc Élie …)
Les 9 malheureux jeunes randonneurs, soviétiques et apparemment tout à fait apolitiques, étaient porteurs d’une sorte de laissez-passer officiel les désignants de fait comme des agents d’influence envoyés par Moscou, en relation avec le 21° Congrès du PCUS : 27 janvier-5 février 1959. ( Le 20° Congrès du PCUS en 1956 avait été l’annonce officielle de la déstalinisation ).
Les mercenaires embauchés, probablement d’anciens gardiens de camps récemment mis au chômage, ont pu facilement suivre la trace profonde laissés par les 9 skieurs et atteindre la tente en seulement une journée de ski à partir de leur base North-2, pour lancer une attaque surprise à la nuit tombée, le 1 février 1959, vers 20 heures.
(Les 9 randonneurs lourdement chargés – rançon de l’autonomie – et surtout en vacances, avaient progressé lentement avec des skis étroits dans la neige qui était très molle sous les arbres de la taïga).
La sortie précipitée de la tente résulte d’une grenade lacrymogène introduite par surprise l’intérieur de la petite tente, (une diabolique ruse de guerre n’est cependant pas exclue).
L’originalité de cet attentat terroriste tient surtout dans ce qu’il n’y a pas eu utilisation d’armes à feu, mais seulement de massues (matraques) en bois.
Une partie du groupe a été assommée puis laissé inanimée sur place par -20°C jusqu’à ce que mort s’ensuive.
L’autre partie a eu le crane fracturé et la poitrine enfoncée, (les tueurs mercenaires ont alors frappé plus fort avec des massues à deux mains).
Enfin, en signe d’avertissement – et d’une férocité qui n’était pas inhabituelle chez certains « petits chefs » du Goulag – quelques cadavre ont été vandalisés par arrachage des yeux et d’une langue.
Parmi les multiples raisons politiques qui expliquent l’enfumage constant des autorités russes depuis 1959 jusqu’en 2020, il y a aussi l’échec ridicule du KGB qui s’était alors révélé incompétent et incapable de protéger 9 jeunes soviétiques exemplaires.
Jean Daniel Reuss , petit résumé sur le « Dyatlov Pass Incident », du 17 août 2020